La langue
comme champ de bataille

La lecture d’un dictionnaire peut sembler rébarbative, mais il suffit d’une exception pour confirmer la règle. Les mots du contre-pouvoir est un « petit dico » tout à fait digeste d’à peine plus d’une centaine de pages. Il a été élaboré en collaboration avec de nombreuses associations de la société civile belge, à savoir le Centre Librex, Corps écrits, PointCulture, la Maison du livre, la Rainbow House, Culture & Démocratie et le Plan SACHA, ce qui le rend riche et varié. Il reprend de nombreux mots plus ou moins nouveaux en les définissant toujours avec une touche d’humour : la lecture se révèle facile et agréable tout en étant instructive. Le dictionnaire est donc utile pour toute personne qui souhaite en savoir plus sur les problématiques et les militances d’aujourd’hui, puisqu’il définit de nombreux termes de façon pédagogique.

Ce format ne permet cependant pas de traiter de la complexité de certains sujets comme celui de la gestation pour autrui, dont la définition n’aborde pas les multiples facettes problématiques liées à la marchandisation du corps des femmes, comme la précarité de certaines femmes et leur dépendance à ce type de méthodes pour gagner leur vie. Tandis que certaines définitions sont très critiques, d’autres sont étonnamment assez neutres, comme celle de l’essentialisme, qui se contente d’expliquer cette théorie sans la contredire. À l’inverse, les définitions liées au vocable de la laïcité, comme l’universalisme, la laïcité bien sûr, mais aussi via par exemple le terme différentialisme, sont beaucoup plus critiques. L’universalisme est méprisé au motif qu’il représenterait un « socle de valeurs communes, non négociables, et valables pour tout le monde » et justifierait ainsi le colonialisme. La laïcité est également définie comme étant un principe compliqué qui est souvent utilisé « pour restreindre le droit d’afficher ses convictions religieuses dans divers espaces publics », ce qui ne correspond pourtant pas au travail multiple du mouvement laïque qui utilise la laïcité pour promouvoir les droits humains pour toutes et tous. On peut également regretter que certaines définitions soient absentes, comme celles du prétendu « syndrome » d’aliénation parentale, qui est particulièrement dangereux pour les droits des femmes et des mères dans les contextes de séparation.