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L’amateur et ses intuitions

François Debras · Maître de conférences à l’Université de Liège et maître-assistant à la Haute École libre mosane

Mise en ligne le 15 février 2023

Il y a complot lorsqu’un groupe de personnes (puissantes) se mettent ensemble, en secret, pour planifier une action illégale qui influencera le cours des événements. Le complotisme est une lecture du monde qui privilégie la recherche de complots pour expliquer des phénomènes humains. Le complotiste peut se tromper, mais il peut aussi, parfois, viser juste et révéler un complot. C’est là toute la difficulté.

Photo © Shutterstock

Il n’y a pas, d’un côté, des experts qui rejettent toute théorie du complot et, de l’autre, des farfelus qui mobilisent des théories un peu folles pour justifier des actions humaines. C’est un continuum entre deux extrêmes : aucun secret, aucun complot et tous manipulés, tous comploteurs.

Dans cette nouvelle série de chroniques, nous allons nous pencher sur le profil des individus que nous pouvons rencontrer au sein de l’univers conspirationniste. Alors que la plupart d’entre nous tentent d’y voir clair dans le flux continu des informations et essaient d’écarter les sources peu fiables, l’amateur des théories du complot, lui, cherche à les débusquer. Il saute d’une théorie à l’autre, toujours prêt à communiquer sa dernière lecture, sa dernière découverte. Comme il nous l’explique, son ressenti le mène vers les méandres de l’Internet. Et en bon complotiste ou en bon ami, il n’hésite pas à nous faire partager ses trouvailles : Bill Gates et les nanoparticules, la 5G et la Covid-19, les chemtrails et l’empoisonnement massif de la population…

Toutefois, l’amateur des théories du complot n’est pas guidé comme il le croit par ses intuitions, il est orienté par des filtres. Des algorithmes sélectionnent pour lui les contenus qu’il consulte en fonction de multiples variables et données collectées, parfois à son insu : sources d’information, recommandations de lecteurs, propositions d’« amis » ou de « pages ». Il n’est pas étonnant de découvrir qu’une personne qui relaie certaines théories du complot sera plus exposée à d’autres théories qui, à leur tour, en amèneront d’autres. L’analyse des réseaux démontre ainsi que les individus qui étaient critiques à l’égard du vaccin contre la Covid-19 se retrouvent, aujourd’hui, dans des groupes contestataires relatifs à l’analyse médiatique sur le conflit russo-ukrainien et dans des groupes critiques vis-à-vis de la Banque centrale européenne et de sa gestion des politiques monétaires.

La confrontation à des théories du complot encourage donc inconsciemment notre adhésion à ces théories. C’est ce qu’on appelle le biais d’exposition. Et pour cette raison, lectrices et lecteurs, veuillez m’excuser de vous en parler dans chacune de mes chroniques…

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