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Stéphane Aurousseau

La laïcité,
une antivaleur ?

Propos recueillis par Sandra Evrard · Rédactrice en chef
Mise en ligne le 21 mai 2024

Dans son livre Promouvoir la laïcité (en milieu hostile), Stéphane Aurousseau nous livre ses réflexions sur la perception de la laïcité, notamment par les jeunes qui la qualifient d’« antivaleur ». Militant LGBTQIA+ et laïque de la première heure, il parcourt les écoles pour expliquer ce qu’est réellement la laïcité et travailler sur les questions d’identité. En vingt ans, ces concepts ont carrément changé de sens et d’appréciation, ce qui a le don de l’affoler.

Photo © Daniel Hoz/Shutterstock

Dans les remerciements de votre livre, vous évoquez les bénévoles et les militants de certaines associations qui sont, selon vous, « conscients que la laïcité les protège ». Pourquoi ?

J’en suis convaincu, mais le problème, c’est que je constate que parmi les jeunes générations, ça ne va pas du tout de soi. Il y a même toute une série de personnes qui considèrent que la laïcité est un dispositif discriminatoire. Aujourd’hui, en France, la laïcité n’est plus du tout en honneur de sainteté dans les associations LGBT. C’était donc une façon de faire un clin d’œil aux militants qui ont entre 40 et 50 ans, et qui voient encore spontanément le lien entre la protection des minorités et la laïcité.

Dans l’avertissement de votre livre, vous dites ne vous ranger « dans les camps ni des gauchos ni des fachos ». Cela vous arrive-t-il souvent qu’on vous classe dans ces camps-là ?

Oui, c’est systématique. C’est extrêmement pénible. Sur tout un certain nombre de sujets de société et de sujets politiques, le débat est tellement clivé que les gens ne s’écoutent plus et que les noms d’oiseaux fusent très rapidement. L’avertissement au début du livre, c’est une façon de dire : « Vous voyez d’où je parle. » J’ai des engagements politiques, des engagements associatifs qui, a priori, devraient me donner une forme de légitimité, inviter mes lecteurs à ne pas me classer trop hâtivement. Après, ce n’est peut-être qu’un vœu pieux.

Stéphane Aurousseau, Promouvoir la laïcité (en milieu hostile), Paris, Double ponctuation, coll. « Point d’exclamation », 2023, 120 pages.

Vous avez créé l’association Couleurs Gaies en 1999. Quel était le but, à l’époque ?

Oui, j’avais alors 22 ans. L’association Couleurs Gaies a été créée en 1999, année des débats houleux sur le PACS en France. Le but de cette association, à l’origine, c’était de faire émerger un lieu d’entraide entre personnes issues d’une minorité et qui rencontraient une hostilité assez fréquente, récurrente, de la part du reste de la société. C’était un lieu d’entraide et de militance.

Vu de Belgique, on s’étonne de ces groupes un peu « réacs » qui surgissent et luttent contre les évolutions éthiques et les droits fondamentaux. Comment expliquez-vous la présence de ces groupuscules en France ?

En France, qui manifeste régulièrement contre ces évolutions sociétales ? C’est exactement le même bloc qui se dessine sur la question du droit des femmes ou sur celle du droit à mourir dignement. Généralement, il s’agit la droite de la droite, notamment celle qui est encore assez relativement liée à une certaine frange de catholiques très à droite, et vous avez également une alliance que beaucoup refusent de voir, entre la droite très à droite et l’extrême droite catholique, avec ce que j’appelle « l’extrême droite religieuse musulmane ».

Ces groupes se retrouvent sur des thématiques communes ?

Exactement, malgré le fait qu’ils se détestent. Mais sur ces sujets-là, ils arrivent à travailler ensemble. Concernant ce qui s’est passé par exemple en Belgique au mois de septembre, par rapport à l’ÉVRAS avec des écoles qui ont été incendiées, on a eu la même chose en France il y a dix ans, au sujet de l’ABCD de l’égalité. C’était simplement un projet qui consistait à inciter les professeurs des écoles primaires à travailler sur l’égalité femmes-hommes. Il y a eu des réactions similaires, avec beaucoup de mauvaise foi, des fake news complètement délirantes qui circulaient, des parents d’élèves fébriles qui croyaient tout et n’importe quoi, par exemple que l’on allait apprendre aux gamins, dès la maternelle, à se masturber. Après, pour comprendre ce qui se passe, il faut dire que les catholiques ne se portent pas très bien. Et qu’un certain nombre de personnes ont tendance à se radicaliser. Certains sociologues les appellent les « catholiques fantômes » ou « catholiques culturels ». Ce sont des gens qui ne sont pas plus pratiquants que ça, mais pour qui l’identité religieuse devient un marqueur politique très fort pour revendiquer un certain de nombre de choses, acquérir une forme d’existence dans le débat public. C’est exactement le même phénomène qui se passe chez les musulmans. Ce ne sont pas forcément les plus pieux qui sont les plus hargneux, mais ce sont des gens qui vont s’arc-bouter, qui vont utiliser une identité religieuse afin d’affirmer de manière véhémente et caricaturale une existence dans le débat public et dans la société.

Vous intervenez dans les écoles, environ auprès de 15 000 élèves au fil de ces dernières années. On sait qu’aujourd’hui une grande partie de la jeunesse rejette la laïcité, et que celle-ci est même ressentie comme une antivaleur. Comprenez-vous pourquoi ?

J’ai des hypothèses. On vit dans un monde qui peut paraître complètement anomique. C’est-à-dire que les grands récits, les grands discours qui structuraient les sociétés se sont effondrés, et ont été plus ou moins remplacés par une profusion de mini-discours, notamment véhiculés par les réseaux sociaux, et ça donne la sensation que tout se vaut, mais aussi que l’on ne peut plus croire en la politique. Pourtant, le besoin de sens subsiste, tout en n’ayant pas trop le temps d’étudier ces sujets-là. Et donc les jeunes sont dans cette même dynamique de se rattacher aux gens qui crient le plus et qui proposent les solutions les plus simplistes, dont la religion fait partie. Les discours qui émergent des extrêmes politiques et des religions relèvent de ces messages simplistes qui semblent donner du sens à la vie. Il ne faut pas sous-estimer cela. Beaucoup d’adolescents sont assez angoissés, et ces discours peuvent donner un sens à leur vie.

Que l’on se rattache à une religion, c’est une chose, mais pourquoi rejeter la laïcité ?

Parce que la laïcité est perçue comme un élément qui va mettre un frein aux aspirations religieuses. Ce qui n’est pas faux. En tout cas à une prétention normative des religions. C’est ce que j’appelle « la posture pro-croyance ». Les élèves sont sur une posture pro-croyante de manière quasi systématique. Cela ne veut pas dire que tous les élèves sont croyants ou qu’ils sont tous des fanatiques, mais qu’ils ont intégré que la religion est du côté du bien. Ce qui est assez surprenant pour des gens de ma génération. Mais massivement, les jeunes ont intégré que la religion, c’est ce qui donne du sens et que c’est quelque chose de bien. Quand on les met devant leurs contradictions et qu’on leur explique qu’un peu partout sur la planète, il y a des gens qui commettent des atrocités au nom de la religion, ils ont un mécanisme de défense qui est assez simple qui consiste à dire : « Eux, ce ne sont pas de vrais religieux. La religion, c’est la paix, la religion, c’est l’amour. » Évidemment, c’est complètement faux. C’est quand même un grand classique, violence et religion, et l’on ne peut pas évacuer le problème en les scindant et en affirmant que « tout ce qui est violence, ce n’est pas vraiment de la religion ». Et donc, sur la question du sens, les non-croyants sont totalement inaudibles. Il semblerait que les athées et les agnostiques soient majoritaires en France, mais pour des personnes qui constituent la majorité de la population, on ne les entend pas beaucoup ! Et visiblement, ce n’est pas parce qu’elles n’ont pas grand-chose à proposer, mais en tout cas, on ne les entend pas.
Il y a des associations qui travaillent sur les valeurs humanistes, mais elles sont assez discrètes. Idem du côté des intellectuels. Et quand ce sont les élus qui en parlent, ce sont des discours complètement creux.

Quand vous parlez de religions ou des violences liées aux religions avec les jeunes, est-ce possible de faire allusion à l’assassinat de Samuel Paty ou bien la vision qu’ils ont de l’événement est-elle aussi proche du déni ?

Dans le cadre de nos interventions, on ne le fait pas. Sauf si ce sont les élèves qui eux-mêmes amènent le sujet de conversation ; à ce moment-là, on n’élude pas. Mais la séquence pédagogique est conçue pour aborder ces sujets-là de la manière la moins passionnelle possible, et en évitant les liens directs avec des actualités violentes et polémiques. Parce que sinon, d’un point de vue pédagogique, il n’y a plus que de la virulence, de l’émotion. C’est normal qu’il y ait de l’émotion, mais il faut apprendre à la mettre à distance pour penser.  Si vous évoquez le sujet de la laïcité par le biais des événements dramatiques ou des plus clivants et polémiques, c’est fini. C’est vraiment un parti pris pédagogique de ne pas le faire.

Quelle est votre approche, la méthodologie que vous mettez en place pour pouvoir parler de laïcité auprès de ces jeunes qui la rejettent ?

La première chose qu’il faut bien avoir en tête, c’est qu’il est nécessaire d’arrêter de faire du juridisme. Et ça, les militants laïques, ils aiment bien.

Comme rappeler la loi de 1905 ?

Ça ne veut pas dire qu’on ne le fait pas. Mais on n’insiste pas trop, on balaie ce qu’il faut, le b.a.-ba de la loi de 1905, car ça ne sert à rien d’entrer dans les arcanes de la jurisprudence. Un élève de quatrième, de première ou de seconde est incapable, pas forcément de comprendre, mais d’accorder un peu d’attention à la jurisprudence biscornue sur tous ces sujets. Et très souvent, les militants laïques, ce sont des questions qui les passionnent. On sait aussi que ce sont des sujets qui suscitent de l’émotion et on va essayer d’incarner le propos, par exemple en soumettant du photolangage, avec différentes images qui ont du sens les unes par rapport aux autres. On montre des images où l’on voit un crucifix dans une classe, une femme avec un burkini, une fête religieuse juive dans l’espace public, un jeune homme qui porte un tee-shirt athée, avec les symboles monothéistes qui sont jetés à la poubelle. Et on demande aux élèves : « Est-ce qu’il y a des choses qui sont de nature à vous gêner ? Est-ce que toi, en tant qu’être humain, ça te dérange de croiser quelqu’un dans la rue avec un tee-shirt comme ça ? » Parfois, le simple fait de reconnaître que ce sont des sujets crispants, ça suffit à calmer un peu le jeu. Ensuite, ce qu’on essaie de faire, c’est de réintroduire la réflexion sur la laïcité dans le cadre des conflits politico-religieux. C’est une façon de dire que la laïcité exige un effort de tout le monde et que cet effort, il n’est pas exigé gratuitement, car si on ne l’obtient pas de nos concitoyens, c’est la guerre. Ce n’est peut-être plus aujourd’hui politiquement correct de le dire, mais c’est ça en fait ! Si on ne catalyse pas le mélange détonant qu’il peut y avoir entre politique et religion, très souvent, ça finit par dégénérer. Et une autre grande partie de la séquence consiste en la démonstration de ce déséquilibre. Par exemple, on insiste sur le fait que, à la base, ce sont les croyants qui se détruisent entre eux, à l’intérieur de chaque grande famille religieuse. C’est très facile d’expliquer que les chrétiens ont passé une large partie de leur temps à s’entretuer et que les musulmans font pareil depuis quasi le début, entre les sunnites et les chiites. Dans toutes les religions, c’est à peu près les mêmes choses. Et enfin, un dernier point, c’est apprendre à décatégoriser les identités religieuses, à dissocier la question de l’identité culturelle de celle de la spiritualité. C’est extrêmement important parce que souvent, des élèves sont dans des postures d’offensés, d’indignés. Certains élèves sont vraiment dans des processus d’endoctrinement très profonds, et sont sincèrement choqués, mais la plupart du temps, ils ne le sont pas, ils font juste semblant. Ce sont des postures un peu faciles et c’est une façon d’exister à travers une identité religieuse. Nous essayons donc d’apprendre aux élèves à faire la distinction : quand on parle de religion, de quoi parle-t-on ? D’identité familiale, d’identité culturelle ou de spiritualité ? Cela passe par le fait de permettre à un élève de dire : « Cette image me choque parce que je me sens agressé dans mes identités. » C’est déjà un énorme progrès par rapport à un élève qui déclare : « Tu n’as pas le droit d’en parler car tu agresses Dieu ! »

En classe, la séquence pédagogique est conçue pour aborder la religion sans déchaîner les passions, et en faisant le moins possible de liens directs avec des actualités violentes et polémiques.
© Xavier Lorenzo/Shutterstock

Les revendications identitaires sont souvent évoquées pour expliquer le nœud du problème, que ce soit le rejet de la laïcité ou les crispations autour d’une forme de radicalité religieuse.

Oui, c’est l’un des nœuds du problème aujourd’hui. Je n’invente rien, ça commence à être bien balisé d’un point de vue intellectuel. Je suis en train de lire le livre de Yascha Mounk sur la « synthèse identitaire », Le piège de l’identité. Tout est dit dans le titre ! Ce qui est intéressant avec ces analyses – et en tant que militants laïques, on devrait également s’en inspirer –, c’est que la question de l’exacerbation des identités, elle pose un problème au-delà de celle des identités religieuses. Étant un militant LGBT depuis vingt ans, la question de la revendication identitaire, c’est quelque chose que je connais. Je peux faire des passerelles entre des revendications identitaires autres que religieuses et qui, par le passé, ne nous posaient aucun souci. Alors qu’aujourd’hui, j’ai du mal à me reconnaître dans les manières de revendiquer, car il y a un sectarisme ahurissant ! Je vous donne un exemple concernant la question de la légitimité de la parole : dans les associations LGBT actuellement, si tu n’es pas trans, tu ne peux pas parler de la transidentité ; si tu n’es pas non binaire, tu n’as pas le droit d’émettre un avis sur la non-binarité. Ça n’a pas toujours été comme ça, et intellectuellement, je pense sincèrement que c’est n’importe quoi ! Ce n’est pas parce qu’on est concerné par l’homosexualité qu’on est habilité ou qu’on va automatiquement tenir un discours crédible, sérieux sur ces sujets-là. Et c’est valable pour toutes les autres identités. Ce n’est pas car vous êtes noir que vous êtes capable de parler intelligemment de racisme. Ce n’est pas comme ça que ça marche. Quand l’association Couleurs Gaies a été créée en 1999, sur la dizaine de membres fondateurs, il y avait deux hétéros. On ne s’est même pas posé la question de savoir si c’était vraiment leur place d’être au sein d’une association LGBT, ça allait tellement de soi. Mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Désormais, il reste une administratrice hétéro, qui régulièrement est obligée de réaffirmer sa légitimité. Quand on est concerné par une question de discrimination, on peut vivre une expérience. Mais ce n’est en aucun cas une expertise. Évidemment, l’idéal, c’est d’avoir les deux, d’avoir du temps pour lire, d’écouter des opinions différentes, opposées, de peser le pour et le contre et, à la fin, d’émettre éventuellement un avis d’expert. Mais la plupart des gens qui s’expriment sur les réseaux sociaux ont 14 ou 15 ans, ou même 25, ils ne sont pas du tout dans ce cas-là. Ils ont vu trois vidéos sur YouTube, ils se disent : « Je suis concerné et j’ai la légitimité pour dire des choses, prétendument très pertinentes. » Mais non, ce n’est pas comme ça que ça fonctionne.

Dans vos propos précédents, vous évoquiez le poids de l’Histoire, et vous affirmez aussi dans votre livre que les jeunes y prêtent peu d’intérêt. Vous essayez de la réhabiliter dans votre pratique dans les écoles ?

Non, parce qu’on intervient sur des séquences de deux heures, la barque est déjà bien lourde. Globalement, l’histoire, ça gonfle les jeunes. Pourtant, si vous avez très peu de connaissances historiques – ce qui est le cas des jeunes que je rencontre, qui en ont très peu sur la question du fait religieux par exemple –, cela engendre une vision complètement obsolète de ces sujets-là. Dans le livre, j’affirme qu’il ne faut pas charger l’Éducation nationale d’un énième défi à relever parce qu’elle en a bien d’autres.  Mais on devrait peut-être muscler un peu le programme d’histoire sur ces questions, et en parallèle y adjoindre l’histoire du fait de la non-croyance. Je pense que ce ne serait pas superflu.

En politique, on sait que l’extrême droite instrumentalise très fortement la laïcité pour essayer de l’associer à ses thèses, mais finalement, dans votre livre, vous dites que « la gauche de la gauche, ou la gauche extrême, fait de même ». Pouvez-vous donner un exemple de ce que fait cette gauche extrême par rapport à la laïcité ?

C’est simple ! Un militant d’extrême gauche m’a dit que le seul fait, en tant que bénévole, d’aller dans les classes au collège et au lycée pour promouvoir la laïcité, c’était une initiative de colon raciste et discriminante. La personne ne savait même pas ce que je faisais, elle ne connaît même pas le contenu de la séquence. Ce sont des exemples vécus de manière personnelle, mais beaucoup plus douloureux que les polémiques politiciennes qui défraient régulièrement l’actualité politique française.
Officiellement, en France, tout le monde est pour la loi de 1905. Y compris l’extrême gauche et l’extrême droite. Mais tout le monde n’entend pas forcément la même chose, et tout le monde n’est pas en faveur de la loi de 2004, qui interdit le port des signes religieux ostensibles dans les établissements publics en France. C’est quasi impossible d’avoir un débat posé sur ce sujet-là. J’essaie de ne pas être aussi sectaire que les gens que j’ai en face de moi, et de leur expliquer que je ne trouve pas que ce soit une loi géniale, que c’est une loi qui pose un certain nombre d’inconvénients, notamment parce qu’elle provoque un effet de stigmatisation, même si ce n’était pas l’objectif. Cependant, je ne peux pas me contenter non plus d’entendre que la question religieuse dans les établissements scolaires, c’est un non-sujet, qu’il y a d’autres priorités. La question de l’affirmation des identités religieuses dans les établissements scolaires, mais ailleurs dans la société également, ce n’est pas un sujet anecdotique, c’est un vrai sujet qu’il faut prendre à bras-le-corps.

Si vous aviez une baguette magique vous permettant d’employer un outil pédagogique, législatif ou autre, qui servirait à réhabiliter la valeur de laïcité dans la société, ce serait lequel ?

Déjà, il faudrait faire en sorte que le personnel politique, en France, commence par respecter la loi. Je ne suis pas un anti-macroniste acharné, mais franchement, quand le président de la République fête Hanoukka à l’Élysée, on est complètement ridicule. Je crois comprendre que le chef de l’État a voulu donner des gages de sympathie par rapport aux Français de confession israélite, dans un contexte particulier, mais il aurait pu faire autrement. Et si ce n’était qu’une fois… Trois mois avant, il avait assisté à une messe donnée par le pape à Marseille… Qu’est-ce qui se cache là-dessous ? C’est la tentation des hauts concordataires qui consiste à dire : on va faire semblant de reconnaître à peu près tout le monde pour ménager les clientèles électorales, les susceptibilités des uns et des autres, et pacifier la société de cette façon. Sauf que ça ne fonctionne pas. Parce que dès que vous faites ça, vous suscitez la rancœur, le sentiment d’abandon des autres. Dès que vous envoyez un signe à nos concitoyens de confession israélite, vous avez ceux de confession musulmane qui s’estiment trahis, et vous avez ceux de confession catholique qui disent : « Mais on est quand même la religion historique, on a des antécédents ! Alors pour nous, il faudrait qu’on en fasse dix fois plus ! » Et évidemment, dans ce genre de cas, ce sont toujours les mêmes qui sont lésés parce qu’on n’en parle jamais, ce sont les athées et les agnostiques. Donc c’est un piège, et une grande partie de la classe politique française, au niveau national comme au niveau local, est à fond là-dedans. La loi de 1905, c’est très important, mais il faudrait déjà qu’ils la respectent eux-mêmes et qu’ils l’incarnent.

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