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Mariage laïque
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Didier Béclard · Journaliste

Mise en ligne le 9 juin 2023

Le 30 avril dernier, Martha et Yvan ont célébré leur union lors d’une cérémonie laïque, deux ans après leur mariage légal. L’événement, qui rassemblait familles et amis néerlandophones et francophones, montre que l’on peut partager les mêmes idéaux et les exprimer sous différentes approches.

Photo © Urszula Jablonska

Presque tous les sièges de la salle du rez-de-chaussée du rectorat de la VUB sont occupés. C’est en ce lieu pour le moins original que Martha et Yvan vont célébrer leur mariage laïque. Tout le monde prend place, la musique pleine de promesses (« You & Me » de Disclosure remixé par Flume) se fait entendre. Les deux officiants se lèvent et les (futurs) mariés arrivent sous les applaudissements.

Anne-Marie Florin, présidente de Laïcité Ixelles, officie en français : « Leur souhait est que nous soyons tous, ici présents, témoins de leur amour réciproque, de leur volonté de construire un avenir harmonieux et authentique. […] Notre communauté philosophique tient à marquer cette étape importante qu’est le mariage et vous invite à faire partager la joie de ce jour. » Maarten Peeraer, spécialiste des cérémonies chez deMens.nu (l’équivalent flamand du CAL), enchaîne en néerlandais. « Je suis très heureux de pouvoir célébrer ici aujourd’hui l’amour entre Martha et Yvan en tant que consultant humaniste laïque. […] Le mariage légal a été merveilleusement intime grâce au coronavirus, il est maintenant temps de vous impliquer tous dans leur amour en tant que témoins de ce moment. »

Il explique ensuite que la lumière est un symbole universel de connaissance et d’amour avant que l’officiante francophone prononce les mêmes phrases en français. Ria et Arlette, les mères des deux (futurs) mariés, reçoivent chacune une bougie allumée qu’elles confient à leur enfant respectif. Ceux-ci les utilisent pour allumer ensemble une bougie plus grosse afin de symboliser les deux familles rassemblées par le mariage.

Le deuxième d’une longue série

Yvan est responsable des relations internationales depuis dix ans pour deMens.nu après avoir été membre de son conseil d’administration pendant treize ans. En juin 2022, il participait à l’assemblée générale de l’International Humanist and Ethical Union en Écosse, où 80 % des mariages sont des mariages laïques. Il s’est rendu compte qu’au niveau mondial, les cérémonies constituent le meilleur outil de communication de nos valeurs laïques, le moyen par lequel nous obtenons le plus de reconnaissance sociétale dans de nombreux pays de par le monde.

L’idée lui est venue de réaliser un reportage dans le but de comparer les cérémonies sur la planète et d’en cerner les moments classiques ou récurrents étant donné qu’elles sont toujours personnalisées. Dans chaque pays, on retrouve dans les cérémonials des éléments de traditions ancestrales. En Écosse, par exemple, on passe une corde autour du poignet de la femme et de l’homme. Afin de mettre en images ces éléments et de les synthétiser, Yvan a le projet de répéter et filmer son mariage partout dans le monde, où des collègues proposent des cérémonies laïques, en commençant par la Belgique.

Mariés au deuxième regard, Yvan et Martha se sont dit « oui » laïquement, en Belgique, deux ans après leur passage devant l’État civil.

© Urszula Jablonska

Jonglerie linguistique

Yvan et Martha se sont mariés à la maison communale il y a maintenant deux ans. C’était le temps de la Covid-19 et de la distanciation sociale, ce qui fait que le mariage civil s’est déroulé dans une certaine intimité : les mariés et le fils de Martha, né d’une précédente union. Pour la fête, chacun des époux avait invité cinq de ses amis. Aujourd’hui, ils souhaitent « célébrer dignement leur union et montrer [leur] amour, témoigner de [leur] mariage auprès de la famille et des amis » par une cérémonie laïque.

La famille d’Yvan est francophone et plutôt laïque, donc il n’y a pas eu de questions. Du côté de Martha, elle est néerlandophone et plutôt confessionnelle. Le nombre de convives étant limité, tout le monde n’a pas été invité. « Ceux qui viennent sont assez ouverts, commente Yvan, et nous savons qu’ils en sortiront en disant que c’était bien. » Le grand jour, on se rend vite compte que la langue n’est pas une frontière pour les invités. Néerlandophones et francophones se mélangent joyeusement, devisant dans une langue ou dans l’autre, voire en anglais. La cérémonie se déroule dans les deux langues mais tout le texte n’est pas traduit ou forcément répété.

Anne-Marie Florin explique qu’elle dispose d’un cérémonial de base qu’il est possible d’adapter aux souhaits des futurs mariés. « Pendant trente ans », ajoute-t-elle, « les mariages ont été célébrés à la maison communale. De nos jours, les futurs mariés préfèrent choisir une salle et dissocier le mariage civil de la cérémonie laïque qui se déroule parfois beaucoup plus tard comme aujourd’hui. » Du côté flamand, l’approche est très différente. Maarten Peeraer qui a suivi un master en assistance morale, avec une spécialisation en cérémonie, aux Pays-Bas, donne lui-même cours aux conseillers moraux. Selon lui, la conception des libres penseurs (« vrijzinnig », terme que nos amis flamands préfèrent à « laïque ») privilégie un cérémonial complètement personnalisé, le caractère unique de la cérémonie devant refléter le caractère unique de l’être humain.

Pourquoi se limiter à un officiant ? L’union laïque laissent la possibilité aux mariés d’élaborer une cérémonie à leur image.

© Urszula Jablonska

Yvan a d’ailleurs souhaité associer officiellement le fils de son épouse à la cérémonie, considérant que l’on ne peut fêter ce mariage sans fêter Lewis. Ce dernier est donc chargé de donner aux époux les alliances. Puis lors de l’échange des vœux entre les mariés, Yvan s’adresse à son beau-fils : « Quand j’ai rencontré ta mère et que je suis tombé amoureux d’elle, j’ai aussi eu la chance de te connaître et de faire partie de ta vie. Ce n’est pas si évident pour toi, parce que tu ne m’as pas choisi. Nous nous en rendons compte. L’amour entre ta mère et moi t’était presque imposé. Lewis, tu es vraiment un gars formidable et je suis également honoré de t’avoir dans ma vie. Je fais tout ce que je peux pour le faire du mieux que je peux pour vous. Je t’aime vraiment beaucoup ! »

Un doute à chérir

La partie flamande de la cérémonie est d’ailleurs plus pointue, l’officiant décrivant des traits de caractère de chacun des deux époux. Il faut dire qu’il les a rencontrés à quatre ou cinq reprises, leur posant de nombreuses questions pour préparer, et personnaliser, son texte, alors que du côté francophone, une seule rencontre a eu lieu entre les époux et l’officiante. Maarten Peeraer souligne que lors de leurs conversations, le terme « doute » a retenu son attention pour définir leur relation. Le fait de ne pas savoir oblige à chercher et donc à être ouvert à l’autre, à lui donner accès à soi. « Et ça donne confiance, ça connecte. C’est ainsi que vous vous soutenez et que vous prenez soin l’un de l’autre. »

Les cérémonies laïques flamandes se distinguent également par leur diversité de rituels proposés. Ils sortent un peu de l’ordinaire mais répondent à un besoin de la population de célébrer un moment important de la vie de façon symbolique, cérémonielle et sans connotation religieuse. Ils offrent, entre autres, la possibilité de faire des cérémonies de divorce (pour les enfants) ou de transition de vie vers l’âge de la pension, de pendaison de crémaillère (pour fêter un nouveau début de vie), des cérémonies autour de la menstruation ou de la ménopause.

Ce genre de ritualisation cérémonielle est plutôt rare, voire inexistant, côté francophone, mais relativement installé aux Pays-Bas, dans les pays anglo-saxons ou scandinaves. Yvan cite ainsi l’exemple d’une cérémonie de divorce d’un couple avec deux enfants qui formèrent un nid avec des brindilles (représentant le couple comme entité). Durant le rituel, symboliquement, avec les deux enfants, on déconstruit le nid et on utilise le matériel pour en construire deux autres afin de leur expliquer qu’à partir de ce moment, ils auront deux foyers qui émanent de leur foyer actuel.

Après les prises de parole de Jan à propos de son ami Yvan et d’Ine concernant son amie Martha, les discours des deux officiants, a eu lieu l’échange des vœux et des alliances entre les époux. Les personnes présentes ont alors été invitées à se lever et à se donner la main pour former une chaîne d’union avec Martha et Yvan. La cérémonie se clôture au son de « Feeling Good » de Nina Simone.

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