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Flâneries marolliennes

Anne Cugnon · Documentaliste au CAL/COM

Mise en ligne le 16 janvier 2022

« Les Marolles composent un monde dans un monde, inventent un espace de liberté dans le tissu du centre-ville de Bruxelles. » Avec cet ouvrage empreint de poésie, Véronique Bergen, livre un portrait attachant de ce quartier populaire, bigarré et haut en couleur, cher à son cœur notamment, dit-elle, « en raison du pied de nez qu’elles adressent aux frontières, aux découpes administratives ». Au fil des pages, elle en conte l’histoire sinueuse et à la marge, rappelle l’origine étymologique facétieuse de son nom, convoquant au détour d’un chapitre Bruegel et Vésale, ses illustres fantômes. Elle évoque sa zwanze1 si caractéristique et le bruseleer, son si savoureux parler, nous dépeignant la fantaisie et l’auto-dérision de ses habitants de souche où d’adoption.

Quartier de métissage, marqué au sceau de l’hospitalité, les Marolles ont aussi constitué une terre d’asile pour des vagues d’immigrations successives. Un émouvant chapitre est consacré à l’histoire et à la mémoire de la communauté juive des Marolles. Mais il s’agit là, selon les autorités, d’un lieu de contre-pouvoir qu’il faut absolument mater : « Démolir les Marolles, c’est comme avec Haussmann à Paris, imposer l’ordre, discipliner le chaos, dompter l’anarchie, étouffer les émeutes, faire rentrer les esprits libres dans le moule imposé. »

Rebelles et fières, les Marolles ont résisté vaille que vaille au cours des siècles aux diverses tentatives d’apprivoisement. Abîmées, défigurées par des politiques urbanistiques souvent malheureuses faites de destructions successives, les voici aujourd’hui guettées par un nouveau danger, dénonce l’auteure, une gentrification – semble-t-il inexorable – s’installant sournoisement selon « la tactique du grignotage ». Les Marolles y perdront-elles, cette fois, leur âme ?

En guise de final, Véronique Bergen adresse une courte mais délicieuse ode aux nobles félidés, errants ou non, ces autres habitants du quartier de la place du Jeu de balle à la liberté sans pareil.

Véronique Bergen, Marolles. La Cour des chats, Bruxelles, CFC, 2022, 184 pages.

  1. Humour gouailleur proche de l’autodérision, NDLR.

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