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Anarcho-féminisme
à l’espagnole
Lucie Barridez · Déléguée « Étude & Stratégie » au CAL/COM
Mise en ligne le 24 juillet 2023
Si le nom de Teresa Claramunt ne résonne pas tant dans la littérature francophone, on aurait toutefois tort de continuer de se priver de son éclairage sur notre monde et les rapports de domination qui y sont entretenus. Ouvrière, syndicaliste, anarchiste et féministe barcelonaise, Claramunt est avant tout une libre penseuse dont l’analyse fine de la société espagnole du XIXe siècle n’a pas perdu de sa justesse, ni même de son universalité. Car s’il y a bien une chose qui n’a pas faibli depuis cette époque, c’est le système capitaliste et patriarcal. Or, les idées et combats de celle que l’on surnomme la Louise Michelle espagnole nous rappellent que le renversement de celui-ci reste possible à condition que les femmes unissent leur force et leur savoir pour qu’advienne l’anarchie qui n’est autre qu’une société libre, égalitaire et solidaire.
C’est au travers de quatorze textes inédits en français que les éditions Nada nous offrent l’opportunité de découvrir toute la complexité de la pensée anarcho-féministe de Teresa Claramunt. Ayant toujours été sensible aux rapports d’oppressions entre dominants et dominés, elle souhaite avant tout mettre en lumière la position particulière des femmes prolétaires qui sont, quant à elles, triplement aliénées par le pouvoir patronal, religieux et marital. La voie de leur émancipation passe dès lors par l’instruction et la solidarité des femmes lesquels les feront prendre conscience de leurs conditions de vie communes ainsi que des mensonges perpétrés par l’Église et l’État rendant possible leur asservissement. Cette conscience de classe est une condition première de l’avènement de l’anarchie, mais elle est loin d’être suffisante. Par un geste qui tend vers l’universalisme, la penseuse rappelle la nécessité de l’union de toutes les femmes et de tous les hommes, car aucun d’entre eux ne peut se prétendre libre dans un système qui autorise une telle misère économique et sociale. C’est ainsi que Teresa Claramunt parvient d’une façon aussi grandiose que révolutionnaire à dépasser la cristallisation des rapports dominants-dominés. Car l’anarchie ne se réduit pas au renversement violent des relations de pouvoir, elle est « la pratique de la vie, l’œuvre de chacun, de chacune, l’œuvre de toutes et tous […] à condition d’avoir su se défaire des mensonges, des hypocrisies et des injustices qui infectent la société actuelle » (p. 60). Elle est donc un régime universel de libertés.
Nous espérons que les lecteurs et lectrices de ce recueil seront chacun.e épris de la pensée révolutionnaire de Claramunt dont la résonance avec nos problématiques contemporaines est presque troublante. La pugnacité et la frappe de ses mots convaincront quiconque en doutait encore de la nécessité d’une convergence des luttes pour atteindre l’universalité des droits.
Teresa Claramunt, Femmes, unisson-nous, Montreuil, Nada, 2023, 112 pages.
Traduction et préface de Christelle Schreiber-Di Cesare
Postface d’Irene
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