Calepin-trottoir
au pays de Poutine

Ce reportage dessiné de Nicolas Wild, dessinateur, scénariste et coloriste d’origine alsacienne, tente de répondre à cette question que beaucoup de gens se posent : mais qu’est-ce que le peuple russe peut-il bien avoir dans la tête ? Le genre de la BD-reportage permet ici une grande lisibilité, et rend le livre très abordable. La jeune femme russe qui guide l’auteur dans son reportage est croquée sous les traits d’un chat pour assurer son anonymat et sa sécurité, ce qui dit déjà beaucoup sur les précautions à prendre dans la Russie d’aujourd’hui – avec une approche qui s’inscrit sur les traces de grands reportages ou livres historiques qui ont déjà usé de cet artifice. En outre, Nicolas Wild adopte un regard extérieur, naïf pourrait-on dire, qui lui permet d’observer et de prendre note et de livrer un récit sans idées préconçues.

Le reporter graphique, coutumier des voyages dans les pays en crise (Turquie, Liban, Afghanistan, Iran…), a repris du service en Russie au début du conflit, allant à la rencontre de personnes diverses, d’anciens dissidents soviétiques qui manifestent discrètement leur opposition au régime actuel et de personnes soutenant avec enthousiasme le régime et la guerre. Le reportage a lieu surtout à Moscou et Saint-Pétersbourg, au sein de l’intelligentsia, mais il glisse fortuitement en dehors des deux capitales, à la rencontre de cette Russie provinciale aux conditions de vie bien différentes de celles des deux métropoles. La visite y est sans doute trop brève pour en avoir une vraie connaissance, mais ce n’est pas le but. À quoi pensent les Russes ? offre aperçu partiel et humoristique malgré tout des opinions des Russes, qui varient entre opposition individuelle, adhésion franche à la politique du régime et un conformisme étouffant, dans une ambiance de mobilisation nationaliste omniprésente.