La France
des gens signifiants

Lire un ouvrage de Florence Aubenas, c’est découvrir un récit qui propose plusieurs entrées de lecture, voire une entrée unique, mais complexe. Ce n’est jamais vraiment un roman, ni un documentaire, ni une enquête. C’est tout à la fois. Et c’est surtout brillant.

Grande reporter, Florence Aubenas a notamment travaillé pour les rédactions du Libé, du Nouvel Obs et ensuite du Monde. Elle se fait connaître du grand public lorsqu’elle couvre le procès d’Outreau, étant l’une des premières à émettre des doutes sur la culpabilité des accusés – finalement innocentés. Son enlèvement en Irak en 2005, puis sa libération, ont renforcé sa notoriété, qu’elle a mise au service de son métier.

Avec Ici et ailleurs, la journaliste nous propose une série de textes parus dans Le Monde ces huit dernières années. Agglomérés, ces récits nous livrent un portrait de la France unique en son genre : de la révolte des Gilets jaunes aux attentats de Paris, en passant par la montée du RN ou la situation des EHPAD, chaque sujet est couvert par une série de témoignages qui sont agencés sous forme de récit. Là, au plus près, nous sommes avec les révoltés sur les ronds-points. Nous sommes avec les passants le soir des attentats de Paris. Nous sommes dans cette famille qui parle de Marine Le Pen. Nous sommes avec cette directrice de maison de repos qui met en œuvre les premières mesures de confinement. C’est toute la puissance de ce livre : l’auteure nous fait prendre de la hauteur en nous plongeant au sol. Ainsi, quand on suit ces jeunes de banlieue parisienne qui partent claquer leurs économies en Thaïlande, on comprend enfin leur ressenti général envers la France. C’est finalement en passant deux semaines avec eux à l’autre bout du monde que l’on peut pénétrer en profondeur dans la problématique de la jeunesse dans les banlieues françaises. Brillant, on vous le disait.

Et puis, lire Florence Aubenas, c’est lire une langue française dynamique, au point d’être parfois un peu perdu face à tant de bribes de conversations. Elles contribuent pourtant à la construction progressive le récit, rendant le texte encore plus réel.

On ne peut que conseiller la lecture de ce chef-d’œuvre, qui devrait être mis entre toutes les mains des futurs journalistes et politiques. Mais plus largement, on espère que tout.e citoyen.ne aura un jour la chance de découvrir un de ces récits, tant Florence Aubenas nous emmène avec elle au plus près des gens. Là où le quotidien est humain, tout simplement humain.