Devenir dragonne

En me tendant ce nouvel opus de la journaliste écoféministe Élise Thiébaut, une amie me dit dans un sourire malicieux « En le voyant, j’ai pensé à toi ! » S’il y a sans doute un âge pour chaque lecture, nul besoin pourtant d’avoir atteint la cinquantaine et cette puissante « envie de tout lâcher, relâcher, délacer et délasser », pour se pencher sur ce captivant essai.

Mêlant expérience personnelle et important travail de documentation, l’auteure entend briser le tabou qui persiste toujours en notre XXI^e siècle autour de cette importante métamorphose intime affublée en 1816 du prosaïque nom de « ménopause » par un certain de Gardanne, médecin français de son état, dans son ouvrage Avis aux femmes qui entrent dans l’âge critique.

La stigmatisation des femmes vieillissantes, sorcières putatives, a longtemps prévalu. À partir du XIX^e siècle, la médicalisation de leur corps – et de leur esprit – prédomine dans les approches et les discours. L’auteure suggère de sortir de cette pathologisation abusive tant en ce qui concerne la ménopause que l’andropause. Avec esprit, elle passe à la moulinette les mythes et idées reçues autour des climatères féminin et masculin encore trop souvent pudiquement dissimulés ou évoqués avec soupirs et résignation.

Élise Thiébaut nous invite à envisager cet âge – où l’on peut avoir l’impression, singulièrement en tant que femme, de glisser en transparence – comme une opportunité, une ère de libertés, un temps de jouissance, aussi. Et ainsi, nos ailes retrouver, à « ne plus vivre pour l’espèce, mais pour l’esprit »… et pour le corps aussi, a-t-on envie d’ajouter. Évoluer de tigresse à dragonne, comme dans un dicton chinois, voilà une perspective autrement poétique et libératrice !