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Moins de pouvoir judiciaire,
plus de justice
Louise Canu · Journaliste multimédia
Mise en ligne le 16 septembre 2024
La question n’est pas “par quoi remplacer la prison ?” mais comment je peux éviter d’être violée ou violeur, bourreau ou supplicié. »
Punir ne sert à rien. Il faut fermer les prisons et, avec elles, en finir avec les institutions qui forment le système pénal, comme la police et les tribunaux : telle est la position politique défendue par l’abolitionnisme pénal, « afin de rendre réellement justice aux victimes et de répondre à leurs besoins, mais aussi de permettre une vraie prévention des violences systémiques et interpersonnelles et de l’ensemble des formes de préjudice envers les individus ou des groupes ».
L’idée n’est pas nouvelle. Elle émerge dans les années 1960 aux États-Unis, puis se fraye un chemin jusqu’en Europe, une dizaine d’années plus tard, notamment par le biais de la figure tutélaire de Michel Foucault. D’autres plumes, moins connues du grand public, n’ont jusqu’alors pas été traduites, ou sont restées confinées au champ académique. Elles sont désormais accessibles au lecteur francophone, dans cet essai de 300 pages. Petit, mais costaud…
Brique par brique, mur par mur retrace l’histoire des idées et des mouvements abolitionnistes. L’ouvrage se propose de réhabiliter leurs pensées, les actualiser, les faire entrer en résonance avec d’autres mouvements sociaux contemporains. Pensé comme une « synthèse inédite » en français, l’essai paru aux éditions Lux dans la bien nommée collection « Instinct de de liberté » démêle les fils d’une histoire complexe, faite d’à-coups, forcément partielle mais bien révolutionnaire, pour nous inviter à « se mettre en chantier ».
Pourquoi faut-il lire Brique par brique, mur par mur ? Parce que penser l’abolitionnisme pénal, c’est non pas réexaminer (ni réformer) une institution plutôt qu’une autre, mais bien s’atteler à la lourde tâche de repenser la société dans son ensemble. Les auteur.e.s nous invitent à réfléchir à la construction de nos catégories (crime, criminel, victime…), figées par nos institutions, à comprendre comment et pourquoi des mécanismes sociaux spécifiques favorisent et génèrent du crime, à entendre les victimes, leur proposer un espace de réparation, la possibilité de participer activement à la résolution du conflit, et à favoriser la prévention, la médiation, la justice transformatrice. En bref, lire cet ouvrage, c’est tabler collectivement sur la réconciliation, le changement social et la transformation des communautés, plutôt que l’exclusion ou la punition.
Joël Charbit, Shaïn Morisse et Gwendola Ricordeau, Brique par brique, mur par mur. Une histoire de l’abolitionnisme pénal, Montréal, Lux, 2024, 310 pages.
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