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Du féminisme
et des sciences humaines
en BD

Amélie Dogot · Secrétaire de rédaction

Mise en ligne le 6 novembre 2023

Face au constat des effets délétères du patriarcat et de la domination masculine ancestrale, face à la masculinité toxique qui continue de nous « coller aux bask’ » comme un vieux chewing-gum obstiné malgré les dénonciations et les prises de conscience, cela reste vrai aujourd’hui : « Ils abusent grave. » Qui « ils » ? Les machos invétérés, ceux qui persistent à penser que le monde leur appartient et que les femmes n’ont plus rien à réclamer par chez nous depuis l’acquisition du droit de vote et #MeToo. Mais pas seulement eux, car le sexisme à cela de pernicieux qu’il est encore partout et dans toutes les strates de la société.

Parmi celles qui pensent à juste titre qu’il faut encore et encore taper sur le clou, on trouve Erell Hannah, une autrice que l’on peut qualifier de touche-à-tout puisqu’elle fait danser ses doigts sur son clavier dans des genres aussi variés que le théâtre, la vulgarisation scientifique et les tribunes politiques. La bande dessinée est devenu son médium préféré depuis 2021. Diplômée de sociologie et de psychologie, passionnée de sciences humaines, elle aime comprendre comment les histoires individuelles s’inscrivent dans les récits collectifs. Elle écrit, elle dessine et colorise certaines BD en solo, mais la plupart du temps, elle s’occupe des scénarios et travaille en duo avec des illustratrices et illustrateurs. Il y a dix ans, elle rencontre le dessinateur Fred Cham. Leurs propres questionnements personnels dans les domaines des relations entre les femmes et les hommes et du féminisme leur donnent envie de créer le blog « Ils abusent grave ». Rapidement déclinées en comptes Facebook et Instagram, leurs planches sont suivies et commentées par des dizaines de milliers d’abonné.e.s.

Dans leur BD Ils abusent grave. Pas tous les hommes !, les deux comparses peignent un portrait on ne peut plus réaliste du sexisme qui touche toutes les facettes de notre société occidentale – le regard est parisien mais la réalité des Bruxelloises est fort proche. Les thèmes abordés vont des relations sociales aux relations amoureuses en passant par la justice et la (pop)culture, et ils questionne les sciences et l’histoire. Au fil des pages, on rigole franchement ; le comique est de situation mais vient aussi des tournures et des dessins bien envoyés. Les bandes dessinées sur le féminisme et/ou d’autrices féministes qui allient militance et humour (comme Pénélope Bagieu et Diglee pour ne citer qu’elles) ont le vent en poupe. Celle-ci a le grand intérêt de découper cinq grands thèmes en petites saynètes, apportant des réflexions drôles et éclairées scientifiquement par des sociologues et des psychologues sur des sujets comme l’intelligence ou l’indépendance. Erell Hannah, la narratrice, ponctue les cases de sa présence. Les questions auxquelles elle tente de trouver des réponses sont directement issues de situations qu’elle a vécues, et les enquêtes menées apportent un éclairage scientifique au quotidien de bien des femmes.

C’est frais et profond, et cela nourrit la réflexion féministe de tout.e un.e chacun.e. Une BD à fourrer particulièrement dans les mains du prochain goujat qui se sentira obligé de défendre sa gent en se pourfendant d’un « Pas tous les hommes, hein » d’un air offensé. Car en 2023, malgré les grandes théories féministes et l’évolution des mentalités, dans la pratique du quotidien et les relations sociales, il y a toujours bien trop d’abus.

Erell Hannah et Fred Cham, Ils abusent grave, Paris, Les Insolentes/Hachette Livre, 2023, 240 pages.

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