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À qui profite le crime ?

François Debras · Maître de conférences Université de Liège et maître-assistant à la Haute École libre mosane

Mise en ligne le 14 février 2022

L’Histoire proche comme plus lointaine témoigne de l’existence de complots. Et si ceux-ci nous invitaient finalement à mobiliser notre esprit critique ?

Photo CC gildas_f

Gardons-nous de croire que tout ce qui est présenté comme vrai est faux et que tout ce qui est présenté comme faux est vrai. Distinguons la croyance en des complots dans des contextes spécifiques et l’explication de l’Histoire comme un seul et vaste complot (juif, maçonnique…). Pour y voir plus clair, décortiquons les mécanismes cognitifs et les phrases toutes faites qui doivent éveiller notre attention.

Dans ce premier « épisode », demandons-nous : « À qui profite le crime ? » Dans les discours complotistes, les incohérences ou incertitudes propres aux accidents ou attentats sont écartées au profit d’un récit reposant sur une logique cause-conséquence ou action-réaction minutieusement ficelée. L’ensemble des phénomènes sociaux sont les conséquences directes de l’action d’individus. Du point de vue psychologique, face à un drame, nous privilégions, inconsciemment, les explications liées à un acte prémédité plutôt qu’à la malchance ou à des erreurs. C’est le biais d’intentionnalité.

Ainsi le complotiste désigne-t-il systématiquement une personne comme responsable d’un événement. De façon similaire, lorsque nous ratons un examen, ce n’est pas dû à notre manque d’étude, mais à un professeur sadique qui avait déclaré qu’il ne poserait pas cette question. La responsabilité est rejetée sur un bouc émissaire. Ce mécanisme nous permet de ne pas nous remettre en cause, mais aussi de désigner un « ennemi » sur lequel projeter notre colère. Plaçons ce raisonnement à l’échelle internationale : le 25 avril 2015, des tremblements de terre frappent le Népal. L’idée d’une catastrophe naturelle qui surgit aléatoirement nous terrorise. Le complotiste cherchant des phénomènes de causalité et de responsabilité, dès lors la catastrophe ne pourrait-elle pas s’expliquer par la réactivation, quelques jours plus tôt, du CERN (Organisation pour la recherche nucléaire, NDLR) ?

Outre cela, derrière le bénéficiaire se cache l’instigateur et la conséquence s’érige en cause. Plusieurs voix s’élèvent en ce moment pour dénoncer l’enrichissement de certaines firmes pharmaceutiques avec la pandémie de la Covid-19. Cependant, l’enrichissement de ces entreprises ne signifie pas nécessairement qu’elles ont orchestré, dans l’ombre, la propagation du virus. Et si tel était le cas, encore faudrait-il le démontrer. C’est à celui qui avance une hypothèse de prouver sa validité et non à celui qui l’écoute et qui pourrait se réfugier dans des phrases telles que « Prouvez-moi que j’ai tort » ou « Après tout, pourquoi pas ? ». D’un point de vue démonstratif critique, ces expressions ne sont pas valables. La charge de la preuve est inversée. Chacun s’enferme dans ses opinions, ses croyances indémontrables pour finir par se retirer du débat public.

À qui profite le crime ?

Un podcast de François Debras

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