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Variétés en chantier

Propos recueillis par Vinciane Colson · Journaliste « Libres, ensemble »

Avec la rédaction

Mise en ligne le 24 septembre 2024

Le Théâtre des Variétés est mort, vive le Variétés ! La première pierre vient d’être posée dans l’ancien théâtre. C’est sous l’impulsion de Bruxelles Laïque qu’il connaîtra bientôt une nouvelle vie, grâce à un projet architectural ambitieux. Pas question de tout raser et de ne drainer qu’un public de passage, loin de là ! Le futur bâtiment aura pour ciment le passé du lieu et le présent de ce quartier du centre de la capitale. Fabrice Van Reymenant, directeur de Bruxelles Laïque, et Fabrice Murgia, directeur artistique de la compagnie Artara et futur directeur artistique du Variétés, nous dévoilent le projet.

Photo © Arnaud Ghys

Après quarante ans d’inexploitation, ce lieu culturel bruxellois, situé entre De Brouckère et Rogier, va renaître de ses cendres. Dessiné par les architectes Victor Bourgeois et Maurice Gridaine et inauguré en 1937, le Théâtre des Variétés fut l’un des plus grands music-halls d’Europe. Transformé ensuite en « Cinérama » (technologie qui permettait au spectateur de s’immerger dans le film), il était à l’abandon depuis sa fermeture en 1983. Racheté en 2018 par Bruxelles Laïque, l’ancien Variétés va redevenir un lieu vibrant et inclusif, dédié à la promotion des valeurs de la laïcité, de la diversité et du dialogue, avec le soutien de la Ville et de la Région. L’ouverture est prévue fin 2026, et les travaux viennent de commencer.

Pouvez-vous nous présenter le lieu et le projet que vous comptez mettre en œuvre ?

Fabrice Murgia : Ici, on est dans une belle endormie. Le Variétés dort depuis quarante ans dans un quartier où il y avait avant plein de cinémas et de théâtres, et qui a beaucoup changé. Il faut le faire renaître avec la conscience du quartier mais aussi celle que l’on vit à Bruxelles, une ville-monde. Notre idée, c’est d’investir le Variétés avec toute la force des équipes de Bruxelles Laïque. Le pôle sociopolitique dresse des constats à partir du pôle d’action sociale et les fait remonter à travers des conférences, des débats, de la sensibilisation mais aussi de la création artistique. L’idée sera d’utiliser la culture comme médium, comme porte-voix. Ce sera un lieu de création mais aussi de collaborations avec plusieurs associations qui travaillent déjà avec Bruxelles Laïque. On va aussi accueillir des nomades, d’autres initiatives culturelles.

Fabrice Van Reymenant : L’idée, c’est de faire trois espaces de programmation différents : deux salles qui peuvent accueillir de 500 à 1000 personnes pour la plus grande et de 200 à 400 personnes pour la plus petite. Il y aura aussi un grand forum qui rappelle un peu l’espace de débat ouvert qui est chaque année recréé au Festival des Libertés. On aura aussi un bar, espace de convivialité important.

Vous vous êtes inspirés du Festival des Libertés1. L’objectif est-il de faire un festival toute l’année ?

Fabrice Van Reymenant : On veut en tout cas s’inspirer de l’expérience du Festival des Libertés. L’esprit du festival vient de la juxtaposition de disciplines qui ont en commun la sensibilisation aux droits humains, de la création d’espaces de débat et de réflexion. L’esprit festif est important aussi, pour qu’on ne se sente pas seul dans cette dimension-là. L’accueil d’artistes musicaux également, que ce soit un lieu de rassemblement. On part de cette même logique de sensibilisation, initiée au Festival des Libertés, et qu’on va amplifier à l’année.

Fabrice Murgia : Je pense que le Festival des Libertés est un très bon phare, un aiguilleur par rapport à ce qu’on doit y faire. Au niveau du travail documentaire par exemple, sur le plan de l’accompagnement des artistes qui sont en recherche d’écriture du réel. On va aussi s’appuyer sur les piliers de la laïcité. Bruxelles Laïque travaille sur la prison, l’éthique. Toute une série de thématiques qui sont des moteurs de débat. Parfois les artistes ont peur de prendre les questions à chaud. Je crois que l’équipe de Bruxelles Laïque peut être médiatrice, presque dramaturge, pour les œuvres à ce niveau-là.

Nous sommes ici dans un quartier chaud de la capitale, mais qui est en chantier. Avez-vous réfléchi le projet en lien avec ce quartier et avec les besoins des habitant.e.s ?

Fabrice Murgia : Le quartier n’est pas une religion en soi. On assume complètement de ne pas arriver ici avec un projet qui répondrait aux besoins du quartier. Notre proposition est très hétéroclite. Un ovni qui se pose et qui finalement va peut-être le modifier, avec toute la vigilance qui s’impose. On porte une attention particulière à la rue et l’invisible.

Fabrice Van Reymenant : Il ne faut pas que ce soit une obsession, comme dans beaucoup de centres culturels ou théâtres, de trouver absolument les habitants dans ce lieu. On veut que nos portes soient ouvertes, on veut être un hôte accueillant. On va essayer de travailler sur des thématiques qui sont au cœur des préoccupations du quartier, mais pas uniquement. On a pas mal travaillé en amont avec les habitants, on a fait des workshops avec eux pour voir comment ils se projetaient, on a beaucoup travaillé avec les comités de quartier avant de s’implanter pour ne pas apparaître comme un truc tombé du ciel. Mais il ne faut pas que ce soit une obsession, comme si c’était un aveu de qualité d’attirer les habitants. Parfois certains opérateurs culturels tombent dans une certaine instrumentalisation des habitants. Et on ne veut pas de ça. Je crois qu’il faut se concentrer sur la qualité de l’offre. Ici, en plus, on a le bénéfice d’avoir le public avec lequel on travaille toute l’année dans le pôle social de Bruxelles Laïque notamment. On va créer des liens. Si les portes sont ouvertes et que ça résonne auprès des préoccupations des habitants, tant mieux.

Hier, un music-hall et un théâtre. Demain, un espace dédié à la culture, aux arts et à la participation. Les travaux de l’ancien Théâtre des Variétés viennent de commencer.

© Arnaud Ghys

Le Variétés sera un peu le symbole de la laïcité implantée dans la cité ?

Fabrice Van Reymenant : Il n’y a pas de recherche de symbole. Mais si on veut être entendu par le plus large public possible, il faut un porte-voix conséquent. Et le Théâtre des Variétés, comme le Festival des Libertés, est un vecteur qui nous permet de nous adresser à beaucoup de gens, de réunir des personnes qui ont une préoccupation sociale humaniste. L’audace, c’est de passer à l’étape supérieure avec un porte-voix beaucoup plus large et implanté de manière pérenne. Mais on poursuit dans notre logique. Pour Bruxelles Laïque, la laïcité n’est pas quelque chose qui doit se déclarer, se déclamer mais plutôt des valeurs qui doivent être ressenties et expérimentées en collectif.

Comment allez-vous construire la programmation artistique du Variétés ?

Fabrice Murgia : Plus que solliciter des artistes, je pense qu’il faut solliciter des programmateur.rice.s, des gens qui viennent faire le Festival de Marrakech à Bruxelles par exemple, des gens qui viennent apporter des visions. Je ne vais pas me désimpliquer de ça forcément, je vais aussi programmer. Mais je crois qu’aujourd’hui, on n’en est plus à des tutelles de programmation. C’est très old school de dire : c’est ma vision qui va être le programme. On va essayer d’éclectiser ça avec les artistes, les programmateur.rice.s, mais aussi avec les équipes de terrain. C’est ça qui est très important. C’est qu’on offre des photographies du monde, que le réel soit en scène.

Fabrice Van Reymenant : Cette programmation sera alimentée par les analyses sociopolitiques et par les constats du travail social de première ligne des équipes de Bruxelles Laïque. On va travailler sur les revendications qu’un pôle peut amener à l’autre, faciliter la création commune et alimenter Fabrice Murgia en analyses et constats de terrain. Ce sera aussi l’occasion de pouvoir associer des publics avec lesquels on travaille quotidiennement à de la création, de la verbalisation et de la sensibilisation grand public.

  1. La prochaine édition du Festival des Libertés aura lieu du 10 au 19 octobre 2024, toujours au Théâtre national.

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Libres, ensemble · 24 septembre 2024

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