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Vis ma vie de parturiente

Amélie Dogot · Secrétaire de rédaction

Mise en ligne le 21 juin 2022

Et si la grossesse et l’accouchement n’étaient plus réservés aux femmes cisgenres ? Et si tout homme pouvait accoucher ? En quoi cela bouleverserait-il les rapports entre les hommes et les femmes ? Venue tout droit d’outre-Manche, Birthday inverse les rôles et plonge un homme dans les « joies » de l’accouchement. Et les mille et une questions qui vont avec.

Photo © Debby Termonia

Sur la scène, tout roule : le lit, la table de nuit, le pied à perfusion. La chambre particulière ressemble à celle de n’importe quel hôpital. Soutenu par sa femme, un mari râle et peste, en proie à de vives douleurs. Des calculs rénaux ? Non, un bébé dont la naissance a été provoquée. Car oui, Ed, homme cisgenre doté d’un utérus artificiel, est sur le point d’accoucher par césarienne. Le travail a commencé et la souffrance se mêle à l’attente – longue, très très longue –, laissant lieu et place à l’inquiétude, au questionnement existentiel et à quelques tensions avec Lisa, sa femme, qui joue cette fois le rôle d’accompagnatrice. Le personnel médical en prend pour son grade aussi… Même dans cette position délicate et inconfortable, « privilège » jusqu’ici réservé aux femmes ou du moins aux assigné.e.s femmes, un homme peut-il vraiment faire l’expérience de la maternité ?

L’accouchement sans douleur, comme par enfantement… ou presque !

© Debby Termonia

Et si...?

Cette pièce, qui a rencontré un grand succès de foule à sa sortie outre-Manche en 2012, est le fruit de l’imagination d’un homme, l’auteur de théâtre et producteur anglo-australien Joe Penhall. Comme l’a noté Mickael Billington du Guardian alors que Birthday naissait sur les planches londoniennes, « Penhall écrit bien plus qu’une pièce de théâtre du genre “et si” dans laquelle les rôles de genre sont transposés ». Le point de départ est propice à la comédie, mais le propos évolue rapidement vers des sujets aussi variés que sérieux : les violences obstétricales, les inégalités de genre, la surmédicalisation de l’accouchement, l’injonction à la maternité, et évidemment la question transgenre.

La pièce aborde toute une série de tabous largement levés par les femmes et par des hommes comme Martin Winckler au cours des dix dernières années. C’est le fait que Birthday soit « une vraie charge contre les préjugés, le racisme et l’hôpital public anglais » qui a donné envie à Julie-Anne Roth de traduire la pièce et de la monter en français : « Lorsque mon amie Marie Denarnaud me [l’a] faite découvrir, la jubilation fut immédiate. Le texte de cet auteur britannique peu monté en France […] m’a passionnée. Aussi, j’ai été immédiatement convaincue qu’il fallait d’urgence traduire cette pièce. »

Guerre et paix des sexes autour de la naissance.

© Debby Termonia

Les genres, et plus encore

Qu’ils soient humain ou théâtral, les genres n’ont pas fini de faire parler. Selon la metteuse en scène, « l’extravagance de la situation [l’inversion des rôles entre l’homme et la femme] n’est pas uniquement prétexte à une comédie, mais c’est aussi l’occasion pour son auteur de bousculer les clichés et la pensée dominante. […] Notre héros souffre, hurle, maugrée, fait de son mieux, et dépasse ses limites. C’est aussi une histoire d’amour. Je trouve Penhall très courageux, parce que l’air de rien, il balance beaucoup de choses à travers ces micro-événements qui ponctuent l’accouchement. » Il y a donc dans ce « jour de naissance » qui s’éternise un petite dose d’humour british et beaucoup de questions soulevées. À l’image des blouses des futures accouché.e.s.

À voir

Birthday de Joe Penhall

Traduction : Julie-Anne Roth et Marie Denarnaud

Mise en scène : Julie-Anne Roth

> 25.06.22 | Théâtre de Poche

Infos sur la pièce

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