Une séparation

À 48 ans, confrontée à une dépression profonde qui la terrasse alors que tout dans la vie semblait lui sourire, la journaliste et auteure de polar Naïri Nahapétian décide de se lancer dans un travail d’introspection brassant souvenirs personnels et bouleversements politiques et sociétaux survenus dans son pays natal. Du vécu de l’exil, il est tout autant question, et l’auteure en propose un récit touchant. « J’ai ainsi fui l’Iran comme par inadvertance. Et ce fut un véritable tremblement de terre. »

Née en 1970 dans une famille arménienne, elle revient, dans ce récit intime, sur la quiétude de son enfance dorée en Iran, brisée brutalement par la révolution islamique de 1979. Avec l’instauration du régime des mollahs, la terreur s’installe : exécutions des partisans du Shah, pendaisons publiques… Sa mère vit mal les règles rigoristes imposées aux femmes ainsi que la ségrégation genrée qui s’installe dans l’espace public.

À l’âge de 9 ans, l’auteure quitte son pays en sa compagnie pour ce qu’elle pense être des vacances en France, laissant son père derrière elles. « Un mystère règne sur les raisons qui nous ont amenées à Paris. Ma mère m’a toujours dit que c’était pour moi, pour m’éviter le voile que nous étions parties. Mais j’ai peu à peu compris que ces motivations étaient bien plus complexes. » L’illusion d’un retour au pays les bercera longtemps. Mais l’exil va se prolonger… ainsi que l’absence du père.

C’est pour saisir les causes exactes de l’interdiction faite à ce dernier de les rejoindre que l’auteure se livre ici à une véritable enquête familiale, mais également journalistique. Spécialiste de l’Iran où elle a réalisé plusieurs reportages pour divers titres de presse français avant de devenir une écrivaine off-shore (interdite de séjour), elle livre une analyse de la situation sociopolitique de son pays natal. Elle prend également soins d’initier son lecteur au taarof, subtil code de politesse et de savoir-vivre persans et brosse le portrait d’une société iranienne empreinte de paradoxes. L’histoire de la présence arménienne dans le pays est largement abordée – et notamment le rôle important joué par le Dachnak, parti nationaliste arménien, dans la structuration de la vie de la diaspora. Par ailleurs, l’auteure partage ses réflexions sur la condition féminine, en ce compris la question du port du voile tant en Iran qu’en France. Observatrice du soulèvement en cours rythmé aux cris de « Femme, vie, liberté », Naïri Nahapétian dit son regain d’espoir de voir enfin survenir un véritable changement politique entraînant la chute de la République islamique.