Une réalité à construire

Pour les populations qui survivent en Ukraine, à Taïwan, au Yémen, en Syrie, dans le Darfour, le Kivu ou encore le Sahel ou celles qui ont été obligées de fuir leur lieu de vie pour ne pas trouver la mort, vivre en paix semble un objectif bien lointain. Destiné aux jeunes, le livre documentaire Faire la paix délaisse d’emblée le camp des belliqueux, mais aussi celui des défaitistes : l’ouvrage entend éveiller les consciences et envisage l’absence de guerre non pas comme une utopie irréalisable mais comme une perspective indispensable à la conservation de la vie sur terre.

Cette vision, c’est celle de Philippe Godard qui écrit, notamment pour la jeunesse, des ouvrages documentaires sur des sujets liés à la société et à la politique, comme le racisme, la contestation, le féminisme, l’écologie ou encore la démocratie. Il a dirigé des collections documentaires destinées à la jeunesse et il se plaît toujours, par ses contributions littéraires, à inciter les adolescent.e.s à prendre conscience de la fragilité du monde et de la nécessité d’agir avec une vision sur le long terme. Il se déplace même dans les collèges et les lycées à la demande des enseignant.e.s pour débattre des thèmes abordés dans ses livres. On image que ce livre sur la paix doit susciter de nombreuses demandes en ce sens.

Aux éditions Saltimbanque, en 2020, il a dressé le portrait de trente personnalités « qui symbolisent la lutte contre les injustices et les inégalités » et qui « représentent aussi l’espoir, l’espoir d’un monde meilleur, un monde où il faut se battre pour faire changer les choses. Un monde où la liberté ne se donne pas, elle s’acquiert ». Selon lui, « la paix est, tout simplement, avec la liberté, l’une des deux conditions d’une vie digne, intéressante, exaltante. Pleinement humaine ». Ce livre apparaît donc comme une suite logique.

Avec pour corollaires la justice et le refus de la violence, la paix en tant que fin côtoie de nombreuses valeurs fondamentales intrinsèquement liées. Elle soulève également maintes questions éthiques relatives aux stratégies de lutte et aux moyens de la (re)conquérir. Décliné en sept chapitres qui sont autant d’appels à la tolérance et à l’acceptation des autres et de soi, ce livre les présente clairement mais sans simplisme. Pour faire la paix, il faut « faire avec » : avec les différences, avec les religions, avec l’ennemi, avec sa propre conscience et avec le vivant. Chaque page est doublement illustrée par l’exemple historique et la représentation symbolique : animé par le goût des couleurs et de la fantaisie, Stéphane-Yves Barroux, qui a fait du mélange entre linogravure, mine de plomb et peinture acrylique sa spécialité, apporte à la construction de la paix des images intérieures plus flamboyantes et surtout un peu moins attendues que la colombe et son rameau d’olivier.

Un sujet que l’on attendait, lui, ne fait pas défaut et relève le défi de la clarté et de la concision : on décerne une mention spéciale au chapitre sur les religions qui explique en quelques pages ce que la laïcité a à apporter au vivre ensemble dans la paix.