Accueil - Exclus Web - À table -
Une gauche à rebâtir
Vincent Dufoing · Directeur « Projets communautaires » du Centre d’Action Laïque
Mise en ligne le 20 janvier 2025
Le poing peut se tendre et se dresser à nouveau. Le poing peut aussi lever au ciel une rose. Rose qui aurait la lourde tâche de symboliser l’outil permettant [la] revitalisation de la démocratie. Rose qui aurait pour mission de capter la colère et de la convertir en projet. »
I am text block. Click edit button to change this text. Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Ut elit tellus, luctus nec ullamcorper mattis, pulvinar dapibus leo.
Voici un livre qui fait du bien, à plus d’un titre ! D’abord, parce qu’il propose une analyse très fouillée des raisons pour lesquelles notre démocratie s’est retrouvée dans un état de déliquescence avancée. Ensuite, parce qu’il présente des perspectives et des solutions audacieuses et volontaristes. Le titre est particulièrement évocateur : « le poing » symbolise le combat, « la rose » représente le bonheur, et « le putois » incarne l’extrême droite. Olivier Starquit, directeur des services syndicaux de la Centrale générale-FGTB, démontre qu’au cours des dernières décennies, le poing s’est baissé, la rose s’est fanée, et le putois déambule librement…
L’analyse d’Olivier Starquit, par ailleurs auteur de plusieurs ouvrages sur la nécessité du rôle des services publics1 et sur la démocratie2, débute par un constat sans appel : la gauche est fragmentée et en crise profonde. Après cinquante ans de politiques néolibérales destructrices, elle a perdu sa souveraineté et s’est muselée face aux diktats de l’Union européenne. Pire, par son choix du « moindre mal », elle a fini par intégrer et reproduire les logiques néolibérales. Ce vide laissé par la gauche a permis à l’extrême droite de s’approprier la défense des plus précaires, tandis que la droite traditionnelle se radicalisait. Pour l’auteur, la solution réside dans une repolitisation de la société, grâce à un réengagement des contre-pouvoirs et à des réformes structurelles essentielles dans le contexte d’urgence climatique.
Olivier Starquit analyse comment la liberté, valeur fondamentale des Lumières, a été confisquée par les réactionnaires. La contestation est désormais l’apanage de l’extrême droite et d’une droite qui s’est radicalisée sur les plans moral, économique et migratoire. La société fait face à un choix crucial : perpétuer un capitalisme insoutenable et sécuritaire, ou démocratiser l’État social. Cela passe par une réinvention des concepts de croissance et d’abondance, pour transformer la colère en un horizon démocratique porteur d’espoir.
La pandémie de Covid-19 a été un révélateur des failles du néolibéralisme. En cannibalisant les ressources naturelles, affaiblissant la puissance publique et démantelant la solidarité, le système a montré ses limites. Les dominés sont devenus des « exclus », assignés à réussir sous peine de subir une stigmatisation supplémentaire. La liberté, loin de s’opposer à l’oppression, valorise désormais des valeurs traditionnelles au nom de la civilisation. En imposant le consensus et en disqualifiant le conflit – pourtant au cœur de la démocratie –, le néolibéralisme a délégitimé la politique et amplifié la méfiance des citoyens. La gouvernance est devenue un spectacle d’administration technique, qui privilégie la responsabilité individuelle au détriment des responsabilités collectives.
Olivier Starquit plaide pour la restauration des droits et la souveraineté démocratique, notamment en réinventant le socialisme. Ce dernier doit se décliner en « socialismes possibles », portés par des discours positifs et une mobilisation des affects pour rendre le monde « désirable ». Il appelle à un renouveau de l’État social comme rempart contre les crises écologique, économique et sociale. Cela passe par des services publics performants, éloignés des logiques marchandes et identitaires, mais aussi par une réinvention des biens communs, une fiscalité juste et une redéfinition des besoins.
L’auteur critique également les notions de bienveillance et de résilience, souvent présentées comme positives. La bienveillance implique un jugement moral sur les autres, tandis que la résilience encourage à supporter les traumatismes sans remettre en cause le système qui les produit. Ces termes, bien qu’apparemment vertueux, servent la doxa néolibérale et perpétuent les inégalités.
Le syndicaliste explore les formes de violence sociétale, de l’institutionnelle à la répressive, et insiste sur l’importance d’une autodéfense politique. Quant au débat sur le woksime, il le replace dans une continuité historique des luttes pour la justice sociale, tout en soulignant son instrumentalisation par les conservateurs pour polariser la société.
En conclusion, Olivier Starquit offre une analyse limpide des dynamiques qui ont permis à l’extrême droite de prospérer : désillusion, confiscation du débat public, montée du complotisme et individualisme exacerbé. Il plaide pour un renouveau démocratique et une transition écologique s’appuyant sur l’État social, la redistribution des richesses et la revalorisation des solidarités collectives. Tout un programme auquel on ne peut que souscrire !
Olivier Starquit, Le poing, la rose et le putois, Liège, Territoires de la Mémoire, coll. « Libres écrits », 2022, 164 pages.
- Dont Olivier Starquit, L’individu privatisé. Le service public pour la démocratie, Bruxelles, Espace de Libertés, coll « Liberté j’écris ton nom », 2009, 88 p.
- Lire Arthur Sente « Chasse aux mots en terrain conquis », dans Espace de Libertés, no 472, octobre 2018.
Partager cette page sur :