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Les médias :
relais ou influenceurs ?

Lionel Rubin · Délégué « Étude & Stratégie » au CAL/COM

Mise en ligne le 27 janvier 2025

Si le rôle majeur des réseaux sociaux dans tous les aspects de la crise de la représentation politique est souvent fantasmé, nous appelons toutefois à une réflexion précise sur leur véritable influence : la fermeture d’esprit que leur mode de fonctionnement induit. »

Alors qu’en Belgique francophone, le débat est vif sur le rôle des centres d’études politiques dans les campagnes et résultats électoraux, il est reposant – voire pertinent – de se plonger dans le récent ouvrage d’Antoine Bristielle, directeur de l’Observatoire de l’opinion à la Fondation Jean Jaurès. Relativement court (185 pages sans les annexes), compréhensible et accessible, l’auteur y analyse le rôle des différents médias dans les comportements électoraux des Français. Cette réflexion rigoureuse sur la fabrique des opinions est issue de cinq années de travail et offre des éléments éclairants pour comprendre les fractures et la crise de la représentation qui touchent nos institutions démocratiques, examinées sous quatre dimensions : l’abstention électorale, le vote pour des partis populistes, l’adhésion à des théories complotistes et la polarisation affective.

Ces vingt dernières années ont profondément modifié notre paysage médiatique, forçant de facto la communication politique à s’adapter. Chaînes d’info en continu, infotainment, presse en ligne et, bien sûr, réseaux sociaux : autant de médias qui induisent un nouveau rapport entre le citoyen et l’actualité. Saisir cette évolution est essentiel, et devient même une question démocratique. Antoine Bristielle s’y attelle.

Car au fond, les médias sont-ils acteurs de la crise ou simples relais ? Les opinions transforment-elles les médias ou est-ce l’inverse ? Les « nouveaux » médias influencent-ils le comportement électoral ? Au fil des pages, les hypothèses sont posées, les fausses pistes écartées, les résultats probants expliqués. À cet égard, l’auteur corrige et nuance notamment l’influence et le danger des réseaux sociaux. Selon lui : « Si le rôle majeur des réseaux sociaux dans tous les aspects de la crise de la représentation politique est souvent fantasmé, nous appelons toutefois à une réflexion précise sur leur véritable influence : la fermeture d’esprit que leur mode de fonctionnement induit. Avoir conscience du problème, de façon étayée et non fantasmée, est un premier pas vers sa résolution. »

C’est ici la polarisation affective – davantage qu’idéologique – qui semble menacer nos principes démocratiques, car « le pacte démocratique ne repose pas sur le principe de consensus. […] Il repose plutôt sur le fait que les arbitrages qui résultent des rapports de force électoraux sont acceptés par tous. Or, lorsque la polarisation affective est trop importante, le groupe social qui perd l’arbitrage politique risque tout simplement de ne pas accepter la décision, pouvant même parfois recourir à des contestations violentes des résultats des élections. » De la nuance et de la compréhension : tout ce qu’on aime.

On ne peut cependant passer sous silence un aspect qui, tout en étant essentiel dans ce type de démarche scientifique, peut alourdir la lecture : le nombre de données en pourcentage, parfois peu éclairant, pour traduire en mots un tableau issu d’un sondage. Mais en fin de compte, cet ouvrage reste un exercice démocratique et scientifique vulgarisé. C’est salutaire pour comprendre notre société, notre cité et anticiper les enjeux à venir. Au fond, on confirme à 100 % la manière dont Antoine Bristielle se considère avec cet ouvrage : un « passeur de sciences sociales ». Et on le remercie aussi pour cela.

Antoine Bristielle, Qui fait l’opinion ? Médias, réseaux sociaux et représentations démocratiques, Paris, Fayard, 2023, 185 pages.

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