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Le rire, ce sport de combat
Anne Cugnon · Documentaliste au CAL/COM
Mise en ligne le 22 septembre 2025
Si on parvient aisément à déceler la folie chez un simple mortel, elle est plus difficile à reconnaître chez un homme d’État, qui plus est président de la première puissance mondiale. D’autant que depuis des années, Donald Trump avait habitué l’opinion à gommer les frontières entre vérité et mensonge, histoire et fiction, affirmation et dénégation, fait et souhait, réduisant le domaine de la raison à un champ circonscrit et minime de la pensée, préférant donner à l’hybris les habits de la décence et s’adresser au penchant pour la passion de son auditoire plutôt qu’à sa capacité de bon sens. »
Quand la réalité supplante la fiction, que peut encore la littérature ? En guise de réponse, pour dépasser la sidération et l’abattement face aux déclarations ubuesques du président des États-Unis et de son entourage, l’écrivain français Philippe Claudel livre une fable dystopique à l’humour féroce avec, en filigrane, une interrogation : comment avons-nous pu en arriver là ? Il y met en scène Trump, Musk et Poutine, en puisant son inspiration dans l’univers du Far West, cette part constitutive essentielle du récit mythologique américain. Son texte, bien que fictionnel, s’inspire largement de la réalité. Tout y est : la vulgarité brutale des protagonistes, la pauvreté du langage, l’arrogance et la mauvaise foi.
Pour paraphraser le réalisateur et écrivain français Chris Marker, l’humour est assurément la politesse du désespoir. Cette fable railleuse sur les dérives autocratiques de l’Amérique trumpiste en est un digne exemple. Au fil des pages, l’auteur, qui est également réalisateur et sociétaire des « Grosses Têtes », fait appel à la raison, mais aussi largement au second degré de ses lecteurs, espérant leur rendre l’énergie du rire.
Moquer les puissants et leurs travers constitue un exercice d’hygiène mentale toujours libérateur. Et on rit beaucoup à la lecture de ce court et puissant roman dystopique. Mais, in fine, on ne peut se départir d’un sentiment d’angoisse, tant aujourd’hui la frontière entre la réalité et la fiction semble mince.
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