Le pire
des Nouveaux Mondes

Avec Les hommes ont peur de la lumière, Douglas Kennedy avait déjà campé le décor, tristement bien réel : l’Amérique est en crise, toujours plus divisée entre les progressistes et les ultraconservateurs. Dans son dernier roman, il pousse l’idée à son paroxysme : une nouvelle guerre de Sécession a eu lieu, redessinant les frontières et érigeant des murs physiques de séparation.

Le plus francophile des écrivains américains (il parle français couramment et passe pas mal de son temps à Paris – et plus récemment en Belgique) porte un regard très critique sur son pays, le projetant dans un avenir pour le moins obscur. Douglas Kennedy met Samantha, son héroïne agente secrète, au service de sa vision peu glorieuse de la société américaine post-Trump. Les États désunis qu’il imagine ne séparent pas de façon réductrice les « bons » d’un côté et les « mauvais » de l’autre. En plus d’être une nouvelle charge contre le puritanisme, Et c’est ainsi que nous vivrons s’attaque aussi au revers des technologies numériques et du traitement de nos données personnelles. Il questionne largement le prix de la liberté, chaque jour plus grignotée par la surveillance. Et à travers l’histoire d’infiltrations d’un camp à l’autre, il interroge la morale et l’allégeance poussée dans leurs derniers retranchements.

Passé du thriller psychologique aux histoires d’amour, Douglas Kennedy revient avec ce titre au roman noir teinté de social. L’intrigue se déroule en 2045 et la dimension futuriste le classe naturellement dans le genre dystopique, mais les situations dépeintes frisent trop avec la réalité présente pour se limiter à ce genre.

Avec Margaret Atwood, le romancier partage incontestablement le don de nous glacer les sangs par le caractère plausible de sociétés imaginaires qui effraient. Cette proximité à la fois factuelle et temporelle ne peut que nous interpeller et nous pousser à nous interroger sur notre avenir : de quelle manière voulons-nous vivre ? Asservi.e.s ou libres?