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Le jeune homme
derrière le détenu
Vinciane Colson · Journaliste « Libres, ensemble »
Mise en ligne le 2 septembre 2024
Je ne sais pas penser à dans cinq ans.
C’est comme si j’avais pas de vie. »
Ces mots, ce sont ceux de William1, condamné à 29 ans de prison pour des faits commis alors qu’il en avait 16. Une lourde peine, à l’image de la gravité des faits – que l’on imagine, car ils ne sont jamais abordés précisément dans le livre. Avec tout le respect que l’on doit aux victimes et aux proches, sans jamais excuser ni justifier les faits, le récit pose la question du sens : pour quelles raisons enfermer un garçon si jeune pendant si longtemps ? Quel sens cela a-t-il pour lui ? Mais quel sens cela a-t-il aussi pour les victimes et la société dans son ensemble si aucun travail de réparation n’est entamé ?
William est ce qu’on appelle un jeune dessaisi. La justice des mineurs a considéré qu’elle ne pouvait plus rien pour lui et l’a renvoyé vers une cour d’assises. Une pratique dénoncée depuis près de trente ans par le Comité des droits de l’enfant des Nations unies. La Convention internationale relative aux droits de l’enfant stipule en effet que toute personne âgée de moins de dix-huit ans doit bénéficier d’une justice adaptée à son âge. Mais malgré les multiples interpellations, la Belgique maintient son système de dessaisissement.
Le texte d’Isabelle Seret mêle intelligemment les propos de William et son propre ressenti. Intervenante en sociologie clinique et récit de vie, Isabelle Seret a déjà travaillé avec des jeunes radicalisés, des victimes des attentats de Bruxelles, des familles de jeunes partis faire le djihad en Syrie ou encore des personnes ayant vécu des violences intrafamiliales. Cette fois encore, elle parvient grâce à la méthode du récit de vie à nous toucher, nous émouvoir, mais aussi nous interroger et nous interpeller sur cet énorme gâchis. Tels des uppercuts qu’on se prend en pleine figure, ses mots dénoncent deux violences qui se répondent : la violence des actes commis et celle du système judiciaire en retour. La violence d’une société où l’incarcération rime avec punition plutôt que réparation.
C’est l’équipe du Délégué général aux droits de l’enfant qui l’a sollicitée. Plusieurs personnes suivaient William depuis quelques années ; ils l’ont vu décliner et perdre le goût de la vie. L’idée est alors venue de lui présenter l’auteure afin de se raconter. À travers ce récit, on découvre le jeune homme derrière le détenu. « Ma maman, elle m’aime mais elle est pas là. En étant ici, elle m’apporte pas la même chose que si j’étais dehors. Je peux m’adapter à tout mais ce qui me manque ici, c’est l’amour. » Le vécu, les peurs et le désespoir de William se dévoilent au fil des pages. Sa culpabilité et ses regrets aussi. Des sentiments qu’il avait très peu exprimés jusque là et sur lesquels il a réussi à mettre des mots au fil de ses rencontres avec Isabelle Seret.
William ou le sens de la peine, c’est un livre qui nous pousse aussi, nous, lectrices et lecteurs, à aller voir ce qu’il se passe derrière les murs des prisons. À l’image de la poétesse Laurence Vielle qui préface le livre, on ne ressort pas indemne de ce témoignage. Et tout en gardant en tête la douleur des proches, on ne peut que déplorer que William n’ait pas été stoppé et pris en charge avant le drame, alors que tous les signaux étaient déjà au rouge. Reste à espérer que ce plaidoyer contre le dessaisissement donne un peu de sens à la peine de William qui, à 24 ans, a déjà passé un tiers de sa vie en prison…
Isabelle Seret et William, William ou le sens de la peine, Louvain-la-Neuve, Academia, 2024, 180 pages.
- Prénom d’emprunt.
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