Le frérisme décortiqué

Rassemblés en une organisation transnationale qui cultive la discrétion, ceux qui luttent contre « l’emprise laïque occidentale » exercent une stratégie de dissimulation. À partir des déclarations et des œuvres de ses fondateurs, et d’autres sources plus contemporaines comme le journal publié par l’organisation islamiste, Abdelrahim Ali analyse l’idéologie de l’organisation des Frères musulmans.

L’étude de ce chercheur égyptien permet de découvrir certains éléments cruciaux de l’idéologie des Frères musulmans. Mais, contrairement à ce qu’annonce le sous-titre des Pensées sataniques, l’auteur ne traite pas de leur organisation internationale, ni sur la manière dont ils se sont adaptés au contexte européen dans leur organisation et leurs méthodes. Nous voilà un peu déçus.

Les deux premiers chapitres portent sur la pensée et les écrits du fondateur, Hassan Al-Banna, et du principal idéologue de l’organisation, Sayyid Qutb. Pour Banna, l’objectif essentiel est la restauration du califat. Il rejette la démocratie et le multipartisme, accusé de diviser les musulmans, et promeut l’instauration d’une théocratie. Dès le départ, la « Confrérie » se situe entre un parti politique et une secte religieuse : « Nous sommes l’appel du Coran et de la Vérité universelle ». Cette pensée est radicalisée par Qutb, dont se réclament de nombreux mouvements islamistes radicaux contemporains. Qutb développe une idéologie binaire, extrêmement manichéenne, dogmatique, sectaire et fanatique, qui empêche tout compromis et pousse à la guerre : « Il n’y a qu’un parti pour Dieu […] et les autres partis sont tous les partis de Satan… »

Les chapitres suivants portent sur la relation des Frères à la démocratie, les non-musulmans, les femmes et les arts, ainsi que leur rapport à la violence. L’auteur évoque les tactiques des Frères musulmans dans leur pays d’origine, l’Égypte, selon leurs relations avec le pouvoir, généralement hostile. Cette partie est d’ailleurs parfois difficile à suivre pour le lecteur ou la lectrice qui ne sont pas familiers de l’histoire récente de l’Égypte.

Dernier bémol : il nous semble par ailleurs manquer un appareil critique de la part de l’éditeur. Des notes ou des encarts sur le contexte historique, assez méconnu des francophones, auraient été bienvenus. Les pensées sataniques offrent néanmoins une présentation utile de l’idéologie des Frères musulmans.