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À table !
Pour nourrir votre esprit
Le changement
à hauteur d'enfant
Amélie Dogot · Secrétaire de rédaction
Mise en ligne le 21 mars 2022
« Maman, on peut lire encore le livre avec les questions ? » Mattia, bientôt 5 ans, ne le sait pas mais il a déjà mis un pied en territoire philosophique. Comme tout enfant, il est enclin à poser un tas de questions des plus existentielles aux plus terre à terre à longueur de journée. Et si à la fin d’un livre, on lui demande son avis, on l’incite à réfléchir et à partager ce qui lui vient à l’esprit, il trouve ça vraiment chouette. Du haut de ses cent cinq centimètres, c’est sûr qu’il se dit souvent que « tout est si grand ».
Du fleuve qui coule à l’univers en expansion, Tout est si grand. Chanson qui s’épanouit invite à l’émerveillement face au changement. Les vers sont courts, épurés, distillés deux par deux au fil des pages. Le poème grandit en rythme. Les rimes se croisent. Et Mattia, naturellement, répète chaque phrase. Derrière le titre et le sous-titre, il y a une intention thématique et surtout un effet de lecture qui prend tout de suite. La musique et le rythme des mots d’Isabel Minhós Martins résonnent sur les images de Bernardo P. Carvalho. Pour chaque double-page, l’illustrateur a conçu des paysages grandioses. Face à ces montagnes – qui rappellent instantanément à Mattia celles de son Italie chérie –, à ces eaux puissantes, à ces ciels immenses, on se sent délicieusement petits. Les couleurs sont vives, les à-plats texturés, les formes presque en mouvement sur le papier. On tourne la page, on s’arrête, on observe. Les doigts de Mattia courent, il a envie de plonger.
Comme l’écrit joliment la journaliste Andreia Brites, on trouve dans Tout est si grand « un espace qui déborde les limites du livre. Un horizon qui se voit, se sent, mais n’est jamais atteint. Les sens à l’écoute de la chaleur du soleil, de la fraîcheur de l’eau, du poids que vous ne ressentez pas ou de l’impact de la plongée, du vent qui accélère ou ralentit votre corps, du bruit des feuilles, du gazouillis des troupeaux… » L’album nous connecte immédiatement à nos émotions, celles que l’on goûte un jour de vacances d’été, quand tout est propice à la contemplation. Un temps long, qui appelle à la découverte et à l’étonnement. Qui n’est pas ressorti changé et mûri des grandes vacances de l’enfance ? L’autrice nous replonge dans ces souvenirs et propose également un inventaire de ce qui croît ou bouge, mêlant éléments concrets et imaginaires.
Publié pour la première fois en portugais en 2021, la version française de Tudo tão grande est le fruit d’une collaboration entre la rédaction de la revue Philéas & Autobule et le Pôle philo de Laïcité Brabant wallon qui se sont respectivement chargés de l’édition et de la conception de l’exploration philosophique. En fin d’album, quatre pages particulières attendent les jeunes lecteurs : les activités, imaginées par Mélanie Olivier, philosophe et animatrice-formatrice au Pôle philo, explorent les thèmes soulevés par ce poème illustré. C’est justement cette partie-là qui a attiré Mattia. « Ton corps, il change ou pas ? » « Oh oui, je suis moins petit aujourd’hui ! » « Et tes émotions ? » « La joie, la colère, la tristesse, la sérénité… Je ne boude plus, tu sais. » « Et le ciel ? » « Il n’est pas bleu, Maman. Mais demain, ça ira mieux. » Parole d’apprenti philosophe.
Isabel Minhós Martins et Bernardo P. Carvalho, Tout est si grand. Chanson qui s’épanouit, Wavre, Laïcité Brabant wallon, 2022, 40 pages.
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