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Euthanasie :
vingt ans d’humanisation
de la fin de vie

Une opinion de Jacqueline Herremans · Présidente de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité

Mise en ligne le 28 mai 2022

Quel chemin parcouru vers l’humanisation de la fin de vie et le respect de l’autonomie de la personne grâce à la loi dépénalisant l’euthanasie ! Mais aussi grâce aux deux autres lois votées en 2002, l’une relative aux droits du patient et l’autre consacrant l’accès universel aux soins palliatifs ! D’une médecine paternaliste – le médecin, le « sachant », prenant les décisions dans le meilleur intérêt du patient –, on a évolué vers la codécision médecin-patient. Ce dernier se voit reconnu le droit à l’information, à consentir ou non à un traitement médical, à des prestations de qualité, sans discrimination, et enfin le droit à demander l’euthanasie.

Illustration © Shutterstock

Grâce à la dépénalisation de l’euthanasie, la mort solitaire est devenue une mort solidaire, alliant solidarité du médecin qui accepte de poser cet ultime soin et solidarité des proches qui accompagnent le patient dans son choix.

Toute évolution a été le fait des patients. Certes, lors des débats parlementaires, il avait été principalement question de cancers ou bien de maladies neurologiques comme Parkinson, la sclérose latérale amyotrophique ou la sclérose en plaques. Rappelons-nous Hugo Claus en 2018. Atteint de la maladie d’Alzheimer, il avait été entendu. Il était encore suffisamment lucide pour formuler sa demande. Des patients psychiatriques ont également pu bénéficier de l’euthanasie, sans qu’il soit nécessaire de changer la loi. Les questions à se poser : les conditions essentielles de la loi sont-elles remplies ? La requête est-elle volontaire, réitérée, sans pression extérieure ? Les souffrances du patient, psychiques ou physiques, conséquences d’une affection grave et incurable, d’ordre pathologique ou accidentel, sont-elles inapaisables ?

À la demande expresse de patients, il peut y avoir transplantation d’organes après euthanasie. Un geste fort : donner la vie en mourant. En 2014, l’euthanasie a été étendue aux mineurs en adoptant le critère de la capacité de discernement. Fort heureusement, seules quatre euthanasies de mineurs ont été déclarées. Le drame n’est pas l’acte en soi, mais bien la maladie grave et incurable qui fauchera ces enfants avant même qu’ils deviennent adultes.

Les opposants évoquent la pente savonneuse. Quelle erreur ! C’est faire peu de cas de ce que représente pour une personne le fait de demander l’euthanasie et pour un médecin d’accompagner son patient et de poser cet acte, tout sauf banal. Faut-il le rappeler : nul ne peut être forcé à réclamer l’euthanasie, nul ne peut être contraint à participer à une procédure de ce type.

Reste une zone grise, un sérieux malentendu à propos de la déclaration anticipée d’euthanasie. Cette déclaration n’est que de faible utilité pour des patients développant une démence. En effet, les conditions sont très (trop) restrictives : il faut que le malade, atteint d’une affection grave et incurable, soit inconscient et que sa situation soit irréversible eu égard à l’état actuel de la médecine. La plupart des médecins interprètent ces conditions comme exigeant que le patient se trouve en coma dépassé, en état d’éveil non répondant (état végétatif). La solution : faire sauter le carcan de la déclaration anticipée d’euthanasie et permettre la libre expression de la volonté du souffrant. Aux Pays-Bas, la chose est possible. En vérité, les conditions essentielles de la loi seront respectées puisque nous retrouverons aussi bien la demande du patient, l’affection grave et incurable que les douleurs inapaisables.

Euthanasie : les mots de la fin

Libres, ensemble · 29 mai 2022

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