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Et Dieu créa le sexisme

Amélie Dogot · Secrétaire de rédaction

Mise en ligne le 6 mars 2023

Un grand-père musulman, une mère catholique et un père juif : elle est liée par le sang aux trois religions du livre. Et c’est en « croyante humaniste » et en « femme libre pratiquante » que la romancière et essayiste française Tristane Banon se positionne d’emblée. Face au nouvel obscurantisme religieux qui gagne du terrain, elle s’attaque non pas à la croyance, qui relève de l’intime, mais à un exercice critique fondé sur un constat : « Quand Dieu est érigé en maître à penser politique, c’est la femme qui, la première, courbe l’échine. Là où le système religieux remplace le système politique, c’est l’égalité de tous qui est jetée aux orties et, gonflé d’un improbable plébiscite, le patriarcat devient le système. » En se replongeant dans la Torah, la Bible et le Coran, et en replaçant ces écrits dans le contexte de leur époque, Tristane Banon fournit autant de preuves figées sur le papier et dans les esprits étroits des « marionnettistes de droit divin » que « toutes les religions sont sexistes ». Selon l’auteure, aucune d’elle « ne veut l’émancipation de la femme, aucune ne lui reconnaît le même possible qu’aux hommes, seuls existent des croyants humanistes conscients de ce que les textes ont à nous apprendre, et de ce qu’il faut savoir laisser au bord du chemin de l’universalisme ». Si cet exercice critique a déjà été mené par les athées, et conduit bien des croyantes sur le chemin de l’apostat, il intéressera sans nul doute toutes les personnes désireuses de se (re)plonger aux origines du sexisme et de déterrer ses racines dans les religions juives, catholiques et islamique.

Qu’il s’agisse de la question du voile, des pratiques sexuelles, de la virginité, des règles, du mariage ou encore de l’IVG que l’auteure aborde dans de petits chapitres thématiques, le constat est clairement posé : « Chacune des trois religions porte, en son sein, un courant intégriste mortifère et misogyne, dont l’objectif est de réglementer les comportements privés et publics des sociétés. » Elle ne sombre cependant pas dans un relativisme malvenu et s’attarde à de nombreuses reprises sur le sujet de l’islam radical et de son emprise actuelle sur les femmes des pays proche-orientaux qui y sont soumis.

Parallèlement aux vieilles pommes de discorde misogynes, une seconde porte d’entrée s’ouvre dans le livre sur la lente marche vers la reconnaissance et l’acquisition des droits humains – un processus de libération du joug religieux et d’émancipation toujours en cours dans lequel les femmes ont longtemps été reléguées à l’arrière-plan. Dans ce domaine, les retours du religieux dans les affaires de l’État, qui entraînent toujours une régression des droits des femmes, ont déjà été bien trop nombreux et sont encore dramatiquement d’actualité. Les exemples tirés de l’Histoire ne manquent pas et l’auteure les évoque de façon chronologique de la France de 1789 à l’Afghanistan et à l’Iran d’aujourd’hui.

En matière de féminisme, l’auteure s’insurge : « Que des féministes refusent aujourd’hui de s’attaquer aux atteintes aux droits des femmes issues d’interprétations radicales de l’islam au motif qu’il ne faut pas froisser une communauté de croyants est une baffe donnée à celles et ceux qui les ont précédés et qui leur ont permis d’exister en s’attaquant frontalement aux deux autres religions du livre. » Peu convaincue par le « féminisme religieux », Tristane Banon se revendique de l’universalisme, de la laïcité et, comme son ami Richard Malka, du « droit d’emmerder Dieu »1.

Tristane Banon, Le péril Dieu. Toutes les religions sont sexistes, Paris, Éditions de l’Observatoire, 2023, 256 pages.

  1. Lire à ce sujet l’interview de Richard Malka par Catherine Haxhe, « On respecte les humains, pas les croyances », mis en ligne sur ce site le 14 juin 2022.

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