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Droits des femmes : l'action face aux menaces

Une opinion de Sylvie Lausberg · Présidente sortante du CFFB

Mise en ligne le 14 février 2022

En Belgique, l’égalité des femmes et des hommes est à la traîne. Depuis février 2018, début de mon mandat comme présidente du Conseil des femmes francophones de Belgique (CFFB) – créé par Marie Popelin et d’autres pionnières en 1905 –, les enjeux de l’égalité ont subi un double mouvement.

Photo © Saraha Goossens

Le premier mouvement s’est traduit d’emblée par une contestation, qui n’a fait que croître, de l’universalisme. Une frange de plus en plus grande d’activistes pour les droits des femmes accuse le féminisme universaliste – et partant, la laïcité – de racisme aveugle, voire de néocolonialisme… D’autres militent pour la liberté de se prostituer, sans égard pour toutes celles qui y sont contraintes1. Les repères s’effritent et pour garder le cap, il a fallu beaucoup d’énergie et de force de conviction. Le renouvellement partiel du conseil d’administration en 2020 en est l’illustration : pluralisme, force de travail, engagement ont généré l’adhésion – ou le retour – de nouvelles associations membres et aussi de magnifiques projets. Ces derniers ont pu voir le jour grâce aux effets du second mouvement, imprimé dans la foulée des élections de 2019. De nombreuses recommandations formulées dans nos mémorandums ont ouvert la voie à un travail concerté entre les nouvelles ministres chargées des Droits des femmes, ainsi qu’en conférences interministérielles. Ce qui, pour une fois, a permis de coordonner des actions et d’agir en faveur des femmes au-delà du millefeuille institutionnel.

Avec la pandémie, paradoxe inédit : les violences envers les femmes ont augmenté. Cette mise en évidence a heureusement provoqué des idées rapides, spécifiques, avec des moyens supplémentaires pour répondre à l’urgence. À notre niveau, nous avons organisé des collectes de sous-vêtements pour les femmes fuyant les violences domestiques, un appel qui s’est vite transformé en récolte et distribution de kits d’hygiène pour les plus démunies. Et puis, dans la foulée, « Trop peu de tout », une vaste campagne contre la pauvreté a précédé une opération d’envergure concernant la précarité menstruelle, grâce à un subside de notre ancienne secrétaire générale, devenue ministre de l’Intégration sociale, Karine Lalieux.

Durant mes quatre ans de mandat, le CFFB a mené de nombreuses actions comme la première étude scientifique sur le sabotage contraceptif en Belgique, la caravane des femmes pour le droit à l’IVG, suivie de celles des servantes écarlates, ainsi que de fréquentes interventions médiatiques et politiques sur ce droit indicateur, mais aussi contre les féminicides avec des vidéos dans lesquelles des personnalités donnent leur voix aux femmes tuées par leur partenaire en 20202. La campagne « Et toi, t’es féministe ? » déployée sur les réseaux sociaux a rassemblé des jeunes femmes qui se sont constituées en commission de travail, publiant des articles tous les mois sur les préoccupations des nouvelles générations et, pour le 8 mars 2021, un guide sur les droits des femmes, outil concret d’émancipation3. L’attention portée aux violences structurelles est nouvelle dans notre pays, et le CFFB y a largement contribué en organisant des webinaires avec des juristes de haut niveau pour décrypter, dans les législations belges, la mainmise sur le corps des femmes4. Notre commission internationale s’est penchée sur les menaces communautaristes et identitaires, et le CFFB a renoué avec le Centre européen du conseil international des femmes.

Cela n’aura échappé à personne, la nouvelle présidente du Parlement européen est une anti-IVG radicale, l’extrême droite misogyne5 fait partout tache d’huile, les masculinistes donnent de la voix… Face à la multiplication des menaces, le CFFB s’est heureusement préparé et riposte, coup par coup, pied à pied. En rangs serrés, les féministes continuent à mener les combats. Ravie d’avoir pu y contribuer, je remercie du fond du cœur toutes celles qui ont travaillé dur pour affermir la charpente de cette vénérable institution. Coupole des associations féministes, elle se renouvelle, s’adapte, s’enrichit grâce à toutes les femmes de bonne volonté qui, sans relâche et avec l’écoute bienveillante qui les caractérise, font honneur aux pionnières. Un dernier mot pour féliciter notre jeune équipe qui gère au quotidien tous les aspects administratifs et financiers. Cela nourrit ma confiance pour l’avenir et je quitte la présidence le cœur léger, tout en continuant à piloter la commission éthique du CFFB. Chaque engagement compte. Le vôtre aussi…

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