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Confessions
d’un rabbin défroqué
avant l’heure

Lucie Barridez · Déléguée « Étude & Stratégie » au CAL/COM

Mise en ligne le 18 mars 2024

Penser par soi-même : cet appel à l’autonomie ne vaut que s’il engage un conflit intérieur de l’esprit.  […] Penser par soi-même n’est donc possible qu’à condition de commencer par penser contre soi. »

Penser contre soi-même. Que peut bien signifier cet adage loufoque ? Le jeune philosophe Nathan Devers nous le fait découvrir dans son dernier roman à travers son histoire ou plutôt sa reconversion personnelle. Car penser contre soi-même désigne selon lui, une éthique de vie qui refuse tout dogmatisme. Or, c’est d’abord par ce biais-là que l’auteur a été jeté dans le monde. Issu d’une famille juive, il a vécu une enfance marquée par les prescrits religieux qui l’orientent vers la vocation de rabbin. Mais alors qu’il est sur le point d’entamer des études rabbiniques, il fait une découverte révolutionnaire, celle de la philosophie. Cette initiation, nous raconte-t-il, est difficile, brutale et même violente. À la manière d’un Roquentin nauséeux à mesure qu’il prend conscience de sa liberté, Nathan Devers nous plonge dans l’intime du libre examen de sa pensée. Se confrontant à l’hétérodoxie caractéristique de la philosophie, il est poussé à remettre en question tous ses préjugés, ses convictions et ses grandes idées sur le monde. Ce faisant, il perd sa foi mais gagne en liberté. Celle de ne jamais figer sa pensée, de s’ouvrir à l’altérité et d’approcher la complexité du réel.

À travers un récit issu d’un vécu purement personnel, l’auteur parvient toutefois à faire ressortir cette part universelle de la pensée humaine : celle qui doute, qui se demande “Pourquoi ?”, qui est en quête de sens et de vérité. Dès lors, si l’ouvrage commence par la question “pourquoi la philosophie ?”, que ceux qui ne sont pas des aguerris de la démarche se rassurent tout de suite : il s’adresse à tout le monde. Nathan Devers ne fait ni de la philosophie purement intellectualiste, ni de la philosophie de comptoir. Au contraire, il l’ancre dans toute la praticité du réel. Il fait de philosophie comme chacun la pratique, en se questionnant sur soi, sur les autres, sur le monde. Mais avant de se plonger dans la lecture de ce récit, encore faut-il être prêt à se confronter au vertige provoqué par le fait même de penser contre soi-même. Vous voilà prévenus !

Nathan Devers, Penser contre soi-même, Paris, Albin Michel, 336 pages.

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