Ce qui relie... universellement

Le sujet de La religion entre individus et communautés est inépuisable : celui de la gestion de la chose religieuse dans la cité. Comment définir le plus justement possible un socle commun pour garantir une pluralité religieuse ? Et puisque les libertés de conscience et de religion sont indiscutables, quels comportements religieux sont universellement acceptables ? Les questions sont vastes, et supposent donc des réponses complexes.

L’intérêt du propos de Marco Jean, professeur de philosophie au Québec, est double. Il nous livre d’abord un propos philosophique à même de nourrir en amont d’éventuelles décisions juridiques et politiques susceptibles de définir le rapport entre religions et espaces publics dans nos sociétés occidentales marquées par le pluralisme religieux. Il tente en effet de trouver une justification objective et universelle à la laïcité, au regard des libertés et des droits fondamentaux. Le second intérêt vient d’une troisième voie empruntée. Entre multiculturalisme à l’anglo-saxonne et laïcité d’inspiration républicaine, Marco Jean redéfinit les interprétations d’une laïcité qu’il assume et qui naît d’une réflexion philosophique poussée.

Il faut reconnaître d’ailleurs que le propos est complexe et nécessite une attention de tous les instants. Mais heureusement, l’auteur va à l’essentiel, tout en s’appuyant sur divers passages de Jürgen Habermas, Charles Taylor et John Rawls. Au-delà de la thèse, à laquelle on peut adhérer ou non, cette réflexion sur la place de la religion entre les individus et communautés est solide et nourrit intelligemment la réflexion. Elle invite le lecteur à prendre du recul et à entrer dans ce débat par la porte philosophique. Une façon salutaire pour le lecteur d’exercer son esprit critique et de s’extraire du tumulte passionnel que ce genre de débat peut parfois susciter dans nos sociétés.

À cet égard, le Centre d’Action laïque militant pour un véritable cours de philosophie et citoyenneté à l’école, on notera le passage suivant : « [Le rôle fondamental de l’école] suppose un enseignement des connaissances de base (langue officielle, mathématiques, etc.) mais également un enseignement minimal de l’histoire, de la géographie, un fonctionnement politique et économique de la société, et des sciences naturelles. Nous ajoutons un enseignement culturel des principales religions et spiritualités, de même qu’un enseignement minimal des bases de l’argumentation et de la philosophie, lequel prépare au débat public en permettant la compréhension de l’histoire des idées, des conflits idéologiques et des enjeux sociétaux. Une telle éducation permet à tous d’être armés pour se comprendre et comprendre la société et l’époque dans lesquelles ils vivent […]. Un choix est réel lorsqu’on le fait en connaissance de cause, en étant informé et en pouvant comparer. […] Or tout ce dispositif, qui permet une protection et une concrétisation véritables des droits et libertés individuels, est précisément ce qui représente une menace pour les fondamentalismes et les communautés fermées. » Et la plus belle des portes ouvertes au vivre ensemble harmonieux, est-on tenté d’ajouter.