Accueil - Exclus Web - Retour sur -
Retour sur
Une date, un événement, un concept…
Belgique, terre d’écueils
François Finck · Délégué « Europe & International » au CAL/COM
Avec la rédaction1
Mise en ligne le 16 décembre 2022
La Cour européenne des droits de l’Homme est intervenue dans la « crise de l’accueil » qui fait rage à Bruxelles. Dans plusieurs ordonnances récentes2, elle a enjoint la Belgique à fournir à 149 demandeurs d’asile un hébergement et une assistance matérielle pour faire face à leurs besoins. L’Agence fédérale pour l’accueil des demandeur d’asile a à nouveau été prise en défaut.
Les images du campement de fortune aux abords du Petit-Château, où des réfugiés afghans ont planté leurs tentes côte à côte, ne peuvent laisser personne indifférent alors qu’il gèle à pierre fendre. Dans la capitale européenne, de nombreux demandeurs d’asile vivent dans la rue, et souffrent du froid, de la faim et de conditions sanitaires déplorables. Une épidémie de gale sévit parmi celles et ceux qui sont à la rue ; elle s’aggrave en raison des mauvaises conditions sanitaires. Selon différentes associations, ce sont plus de 2 000 candidats réfugiés, dont des familles avec enfants, qui doivent actuellement passer la nuit dehors, faute de place dans un centre d’accueil.
La Cour européenne des droits de l’Homme a récemment rappelé que la Belgique doit purement et simplement appliquer les décisions du tribunal du travail3 et enfin fournir un hébergement aux personnes qui ont déposé une demande d’asile, le temps de l’examen de leur demande.
Pour rappel, les normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers sont réglementées en Belgique par la loi du 12 juillet 2007. Selon son article 3, « tout demandeur d’asile a droit à un accueil devant lui permettre de mener une vie conforme à la dignité humaine. Par accueil, on entend l’aide matérielle octroyée conformément à la présente loi ou l’aide sociale octroyée par les centres publics d’action sociale conformément à la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d’action sociale. »
« Belgique, terre d’asile ? » : le premier dossier sur le droit d’asile a été publié dans le no 151 en juin 1987.
À cause de la prétendue saturation du réseau d’accueil Fedasil, depuis deux ans, des centaines de demandeurs d’asile privés de place en hébergement se tournent en extrême urgence vers le tribunal du travail de Bruxelles, qui leur donne raison et condamne l’Agence fédérale à remplir ses obligations légales. Fedasil faillit doublement à ses obligations : depuis de nombreux mois, l’Agence ignore purement et simplement les plaintes des requérants et les injonctions du tribunal du travail de Bruxelles de fournir aux demandeurs d’asile un hébergement (dans un centre d’accueil, voir dans un hôtel ou tout autre établissement adapté à défaut de place disponible) et une assistance matérielle de base.
Ces décisions prises en urgence sont des mesures provisoires, ce qui signifie que la CEDH doit encore se prononcer sur le fond des requêtes : les demandeurs d’asile invoquent notamment une violation de l’interdiction des traitements inhumains et dégradants. Cette situation est scandaleuse, car la Belgique doit être à la hauteur et respecter les droits fondamentaux des demandeurs d’asile.
- Qui a emprunté à Dan Van Raemdonck et Benoît Van der Meerschen, auteurs de Belgique, terre d’écueils. Respect pour le droit d’asile ! (Labor/Espace de Libertés, 2002) le titre de cet article.
- Camara c. Belgique, 31 octobre 2022 ; Msallem et 147 autres c. Belgique, 15 novembre 2022.
- C’est auprès du tribunal du travail du lieu de la structure d’accueil que le bénéficiaire de l’accueil peut introduire un recours contre toute violation supposée des droits qui lui sont reconnus. Cette charge de travail, qui a littéralement explosé depuis deux ans, met à genoux cette juridiction. Cf. Arthur Sente, « L’explosion des recours contre Fedasil fait dérailler le tribunal du travail de Bruxelles », dans Le Soir, 25 mai 2022.
Partager cette page sur :