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« Arrêtez de négocier avec le régime des mollahs ! »

Vinciane Colson · Journaliste « Libres, ensemble »

Avec la rédaction

Mise en ligne le 13 avril 2023

Pour Mahtab Ghorbani, poétesse iranienne aujourd’hui réfugiée en France, la plume est une arme. Née à Téhéran dans une famille opposée à la République islamiste d’Iran, elle écrit à 17 ans un poème contre Khomeini qui lui vaut une menace de condamnation à mort. Exilée, elle observe et milite pour que l’Iran s’ouvre à la liberté.

Photo © Shutterstock

Avez-vous pris conscience très jeune que vous viviez dans un pays où la liberté est restreinte ?

Oui, je l’ai vite compris. La liberté, la laïcité : on est vite conscient.e.s de ces valeurs en grandissant dans un pays musulman comme l’Iran. Ce prix de la liberté, on le paye de notre vie sous différentes formes : à l’école, les filles et les garçons sont séparés, l’éducation est idéologique, qui s’y oppose en paye le prix.

Très jeune, vous avez été arrêtée, pourquoi ?

Parce que j’avais écrit un poème contre Khomeini. J’avais emmené mon cahier de poèmes avec moi, à l’école. Et en Iran, ils ont le droit de fouiller dans notre sac. La directrice a trouvé mon cahier et elle m’a fait appeler dans son bureau. Là, j’ai vu trois grands hommes qui étaient là de la part du régime. Et ils m’ont arrêtée. J’avais 17 ans. C’était la première fois, mais pas la dernière.

Pour retrouver votre liberté, vous avez dû fuir ?

Je souhaitais me battre, mais j’étais obligée de quitter mon pays car je risquais d’être exécutée. De plus, je suis maman d’une petite fille. J’ai personnellement choisi de payer le prix de la liberté, mais ma fille était très petite et elle ne pouvait pas choisir. C’est donc surtout pour elle que j’ai été obligée de quitter le pays lorsqu’ils ont annoncé qu’ils allaient m’arrêter.

Vos poèmes sont notamment écrits pour votre fille. Quel est leur message ?

Je lui dis : « Pardonne-moi, pardonne-moi parce que je me tenais dans le carrefour du néant. Pardonne-moi parce que je laisse la maison de ton enfance, tes jouets, parce que j’étais obligée de quitter mon pays. » Et j’ai demandé à ma fille : « Ne lis pas mes poèmes parce que mes poèmes sont très tristes. Ne lis pas mes poèmes, ne voyage pas en moi. »

La poésie, l’écriture, c’est vraiment un moyen pour vous de réclamer cette liberté ?

Oui, vraiment. Je pense que ma voie consiste à me battre pour le monde, avec la littérature. J’ai écrit un roman qui résume cette lutte. Il ne s’agit pas de ma vie, ce n’est pas une autobiographie, mais plutôt un témoignage sur les femmes prisonnières d’après la révolution islamique. J’ai interviewé 400 femmes prisonnières politiques et sur ce qu’il se passe dans les prisons en Iran. C’est quelque chose que les femmes européennes ne peuvent pas imaginer, pas du tout. Tout ce qu’ils font dans les prisons avec les femmes… Ils utilisent la sexualité pour vous torturer. C’est très difficile pour moi d’en parler, je préfère l’écrit de mes livres.

Mahtab Ghorbani, poétesse iranienne.

© Evrard Sandra

J’imagine que ce qui se passe aujourd’hui en Iran, ça vous touche. Qu’est-ce que vous faites aujourd’hui ? Comment vous agissez ? Et comment est-ce que vous vous sentez ?

Ça me touche beaucoup. Il y a cinq mois que ma vie est en suspension. J’écoute les nouvelles qui viennent d’Iran. J’ai organisé beaucoup de manifestations et je suis très triste parce que j’ai perdu beaucoup de mes amis. J’éprouve aussi un grand espoir. Ma valise est prête. Chaque soir quand je vais dormir, je me dis : « Demain, c’est le jour où je vais pouvoir retourner dans mon pays. Voilà, c’est fini ! » C’est très paradoxal : je suis à la fois triste et je ressens un grand espoir. Je m’active comme je peux : je me suis exprimée au Sénat, j’ai été invitée dans beaucoup de programmes et à chaque fois je me dis : « En ce moment, je dois être la voix de mon peuple. »

Vous pensez que c’est le moment où les défenseuses de la liberté pourraient gagner ?

Non. Malheureusement. Je place un grand espoir dans mon peuple, mais malheureusement, on a besoin de l’aide des pays européens et celle-ci n’arrive pas. Les populations européennes sont très solidaires avec nous. Elles ont bien compris notre combat, mais malheureusement, les gouvernements, pas du tout. On n’a pas besoin que les gouvernements agissent à notre place, mais on a besoin qu’ils arrêtent de négocier avec le régime iranien, qu’ils arrêtent d’y envoyer de l’argent, qu’ils stoppent toutes les relations économiques et politiques avec ce régime. Je dis toujours au gouvernement français : « Comment pouvez-vous négocier avec un régime fasciste ? Ils sont comme les nazis, comment vous pouvez négocier avec eux ? »

 

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