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Abattage rituel et limites de la liberté de culte

Une opinion de Benoît Van der Meerschen · Secrétaire général

Mise en ligne le 1er novembre 2021

Le 30 septembre 2022, la Cour constitutionnelle a rendu son arrêt 117/2021 rejetant les recours introduits au sujet des méthodes autorisées pour l’abattage des animaux. Benoît Van der Meerschen, secrétaire général adjoint du Centre d’Action Laïque et juriste, nous propose sa vision sur la question.

Photo © Leopictures/Shutterstock

Soucieuse du bien-être animal, par ce décret de la Région flamande du 7 juillet 2017, la Flandre a décidé de bannir de son territoire toute souffrance évitable dont l’abattage sans étourdissement. À la lecture des travaux parlementaires, il n’en reste pas moins qu’un équilibre a été recherché entre la protection du bien-être animal et la liberté de religion par la méthode d’étourdissement réversible (l’électronarcose) dans le cadre de laquelle la bête, si elle n’est pas égorgée entre-temps, reprend conscience après un bref laps de temps et ne ressent aucun effet négatif de l’étourdissement.

Après quelques circonvolutions sur « l’identité constitutionnelle belge particulière et le contexte social spécifique en Flandre et en Belgique » ou des considérations sur les difficultés à s’approvisionner en viande halal ou casher ; les requérants s’opposaient de façon principielle à l’étourdissement préalable de l’animal avant son abattage car, pour eux, ce dernier ne peut être endommagé ou souillé au moment où il meurt. Mais au-delà de cette première batterie d’arguments, à la lecture des requêtes, le véritable enjeu pour les requérants paraît plutôt être celui-ci : « Il n’appartient pas à la Cour de justice [de l’Union européenne], ni à aucune autre juridiction, de déterminer ce qui doit ou non relever de l’essence d’une pratique religieuse, puisqu’il s’agit d’une question purement théologique. »

Ce dossier de l’abattage rituel se révèle donc être avant tout un énième avatar de cette tendance assumée par quelques clergés de toujours chercher, au nom d’une vision étriquée de la séparation entre Églises et l’État, à rogner l’expression de la volonté générale, c’est-à-dire en l’espèce l’acte législatif, et faire primer leurs règles religieuses particulières. À cet égard, après avoir rejeté avec une argumentation bétonnée les thèses des requérants, la Cour pose une balise cruciale, qui ne concerne d’ailleurs pas que le sort peu enviable d’animaux sacrifiés, en indiquant que « ni la liberté de pensée, de conscience et de religion ni la séparation de l’Église et de l’État, pas plus que le devoir de neutralité des pouvoirs publics n’oblige ces derniers à prévoir dans leur réglementation des accommodements par rapport à tout précepte philosophique – religieux ou non ».

Réclamer au nom d’un prescrit religieux tel ou tel accommodement raisonnable n’est donc qu’un choix politique, jamais une contrainte juridique. À méditer pour ceux qui maintenant sont amenés à faire ces choix, et surtout pour ceux qui sont d’ordinaire si prompts à s’enflammer dans ce domaine : la Cour constitutionnelle rappelle que, dans un État de droit et une démocratie, l’intérêt général doit primer.

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