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Un roman-pieuvre

Lionel Rubin · Délégué « Étude & Stratégie » au CAL/COM

Mise en ligne le 8 septembre 2025

Chaque personnage mentionné a véritablement existé, chaque fait s’est véritablement déroulé. Tout cela a eu lieu. »

Roberto Saviano est un écrivain connu. Un journaliste de renom aussi. Quand il mêle ces deux facettes, il se mue en rempart de la démocratie. Certains en ont même fait un croisement entre James Ellroy et Pier Paolo Pasolini. C’est dire la nécessité de le lire…

Avec son nouveau roman, Giovanni Falcone, paru aux éditions Gallimard en février dernier, l’homme qui vit sous protection policière permanente depuis 2006 nous revient sur son sujet de prédilection : la mafia italienne, sa structure et ses crimes. Il rend ainsi hommage au célèbre magistrat assassiné en 1992 pour avoir enquêté sur cette organisation criminelle. En se basant sur de nombreux documents et témoignages historiographiques, il perpétue d’une certaine manière « l’œuvre » de ce magistrat qui a donné sa vie pour non seulement traduire en justice les responsables mafieux, mais aussi mettre à jour les rouages d’une violence institutionnalisée et tentaculaire. D’où le surnom de la Piovra (la « pieuvre »).

D’une écriture précise mais limpide, l’auteur ordonne et démêle la complexité de cette histoire qui s’étale sur une vingtaine d’années. En fait, à l’instar du juge Falcone, il met de l’ordre dans le chaos. Même si l’histoire relatée est vraie et s’appuie minutieusement sur un travail journalistique titanesque, c’est d’abord un roman. Les mots nous renvoient en effet à des images, à des sentiments, à des ambiances. On est aux côtés de Falcone quand il prend des risques, on pleure avec lui quand les morts défilent, on suffoque dans ces bureaux siciliens. Et puis on a peur à l’apparition de chaque nouveau personnage.

Bien plus qu’un roman, ce livre est un hommage autant qu’un outil de résistance. Ce livre, cette histoire, symbolise toute la complexité, le temps long et la nécessité absolue d’un État de droit, ainsi que d’hommes et de femmes qui le protègent. Envers et contre tout. C’est un hommage certes, mais qui encourage à la citoyenneté active. Car malgré la violence décrite par Roberto Saviano, sa prose peut éclairer les temps sombres que traversent nos démocraties.

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Roberto Saviano, Giovanni Falcone, (trad. Laura Brignon), Paris, Gallimard, coll. « Du monde entier », 2025, 608 pages.

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