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Accueil - Tox en toc - Le fact checking et le mythe de la neutralité

Éducation aux médias
et citoyenneté active

François Debras · Professeur associé à l’ULiège, chargé de cours à la Sorbonne Nouvelle et maître assistant à HELMo

Mise en ligne le 4 août 2025

Le fact checking s’est imposé comme un dispositif central du journalisme. Apparu dans les années 1920 aux États-Unis pour garantir la rigueur d’une information avant sa publication, il est désormais étendu à un contrôle a posteriori, notamment après des débats politiques. Des rubriques spécialisées, des plateformes consacrées et des outils en ligne se sont multipliés dans un contexte de défiance envers les médias.

Photo © Stockwerk Fotodesign/Shutterstock

Aujourd’hui, le fact checking dépasse le champ politique. Il décortique les rumeurs, les théories du complot et certaines manipulations devenues virales. La pratique s’effectue à l’intérieur des rédactions, ou de façon externe, par des vérifications publiques. Des initiatives misent d’ailleurs sur une dimension participative, ouvrant les portes des organes de presse et impliquant les internautes dans le signalement, la rédaction ou les enquêtes. Ces modèles hybrides renforcent le lien avec les citoyen.ne.s et contribuent à une pédagogie de l’information.

Mais cette logique de vérification ne peut, à elle seule, garantir toute information ou restaurer la confiance. Elle doit être prolongée par une réflexion plus large sur nos biais cognitifs, nos fonctionnements émotionnels, les systèmes de recommandation algorithmique ou des choix éditoriaux pouvant être contraints par des considérations économiques : course au clic, réduction des effectifs, financiarisation du secteur et influence idéologique. La question de la concentration des médias aux mains de quelques propriétaires – et des intérêts qu’ils servent en filigrane – reste déterminante.

Le fact checking ne doit donc pas faire taire les interrogations mais les nourrir. Comme le rappelait Hannah Arendt, si nous devons distinguer les faits et les opinions, ils ne s’opposent pas les uns aux autres. Les faits sont la matière des opinions, qui peuvent différer largement mais demeurer légitimes aussi longtemps qu’elles les respectent. Le fact checking ne doit ainsi pas nous faire sombrer dans le mythe de l’information neutre et désincarnée. Au contraire, il doit reposer sur une conscience assumée des positionnements et des enjeux. Cela implique rigueur, transparence et pluralité des regards. Il évolue dans un cadre déontologique de recherche de sources primaires et d’indépendance éditoriale. Le fact checking ne peut être un simple tampon de vérité, il doit s’inscrire dans une démarche collective, critique et engagée au service de l’information.

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