Vous dites?

Accueil - Vous dites ? - L’austérité n’est pas un projet de société

L’austérité n’est pas
un projet de société

Ariane Estenne · Présidente du Mouvement ouvrier chrétien et du Conseil supérieur de l’éducation permanente

Mise en ligne le 13 octobre 2025

Nos démocraties se sont mises à vaciller : retour de régimes autoritaires, mises en cause ici et là de la séparation des pouvoirs par ceux qui en sont les garants, imposition d’une participation de plus en plus conditionnée et dépendante. Dans un tel contexte, renforcer ce qui favorise l’engagement et la délibération collective est sans nul doute l’horizon prioritaire.

Photo © Faithie/Shutterstock

Il y a urgence à donner sens à la vie en commun, dans la complexité de nos sociétés, par les voies et moyens d’une démocratie continue, approfondie, d’une démocratie culturelle. Celle-ci doit être comprise comme un processus qui permet à tous les groupes d’élaborer une vision du monde et de la confronter aux autres, d’exprimer leur humanité, de travailler à façonner « une société plus consciente d’elle-même », selon les mots de Marcel Hicter1.

Si la démocratie culturelle est notre horizon, l’éducation permanente en est le chemin. Et ce chemin implique le soutien à la vie associative : sur le plan financier – à travers des subventions structurelles et une politique publique d’aide à l’emploi –, et aussi à travers le respect de son autonomie et la reconnaissance de sa dimension critique. Car cette dimension consiste à faire voir ce qui reste invisible, inaudible ou nié par ceux qui dominent le champ du pouvoir. N’est-ce pas là l’héritage de plusieurs siècles de luttes politiques, sociales et culturelles ?

Pourtant, les décisions annoncées par l’actuelle ministre-présidente de la Fédération Wallonie-Bruxelles Élisabeth Degryse concernant l’éducation permanente semblent prendre la direction contraire. Sous couvert du caractère inéluctable de l’austérité, le message qui nous est adressé aujourd’hui est le suivant : plus aucun secteur (vraiment ?) nesera épargné par les coupes budgétaires. Pire, cette nouvelle donne s’accompagne d’une inversion pernicieuse de la logique de concertation : le cadre d’austérité étant imposé comme une donnée de base, ce serait alors aux secteurs eux-mêmes de proposer les pistes d’économies à opérer.

Nous pouvons comprendre que des réalités financières dictent certains choix politiques : nous l’entendons depuis 2003, en consentant, dans notre milieu, depuis vingt-deux ans, à des restrictions budgétaires. Mais faut-il rappeler à quel point il serait inconséquent – voire irresponsable – de mettre à mal davantage l’éducation permanente au moment même où la fragilisation de notre démocratie la rend perméable aux populismes de tous bords ?

Nous affirmons au contraire une ambition forte en matière d’exercice de la critique ; comme le suggère Nancy Fraser, nous ne devons pas nous arrêter à la seule dimension de l’économie monétisée, mais intégrer dans nos travaux les dimensions écologiques et de la reproduction sociale, soit « les processus socioculturels qui permettent d’établir des relations de solidarité, des dispositions affectives et l’horizon de valeurs qui sous-tendent la coopération sociale »1.

 

Partager cette page sur :