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Dignité et technologies : un équilibre à préserver
Catherine Haxhe · Journaliste
Mise en ligne le 1er septembre 2025
Il s’agit bien d’affirmer pour tous et chacun, le devoir d’utiliser de manière raisonnable et soutenable les technologies de l’IA et des neurosciences, afin que ces dernières ne compromettent pas nos libertés individuelles, ne conduisent pas à des discriminations, ne mettent pas à mal l’environnement, la règle de droit et nos démocraties. »
Dans son dernier ouvrage paru aux Éditions de l’Académie royale de Belgique, Yves Poullet, recteur honoraire et professeur émérite de l’UNamur, de l’ULiège et de l’Université catholique de Lille, nous invite à réfléchir avec lui à notre dignité humaine, celle de l’ère des technologies et des neurosciences. Un vaste programme, mais ô combien important. D’ailleurs – et on le sait peu –, cette dignité humaine est mise en avant par nombre de documents internationaux (UNESCO, Conseil de l’Europe… et Yves Poullet sait de quoi il parle, puisqu’il est expert auprès de ces institutions). Elle est pointée comme une valeur essentielle à préserver face aux développements des technologies de l’intelligence artificielle, y compris générative, et des neurosciences qui autorisent l’« homme augmenté ».
Redéfinir la dignité humaine
Yves Poullet, qui est membre du Namur Digital Institute (NaDI), de la Chambre contentieuse de l’Autorité belge de protection des données et de la Commission de contrôle des fichiers d’Interpol, nous montre que l’approche kantienne de cette valeur renvoie à la nécessité d’une description des risques encourus non seulement par nos libertés individuelles, mais, au-delà, par les collectivités, la démocratie, l’environnement, voire notre humanité. Ces enjeux nouveaux doivent trouver réponse dans l’affirmation du droit de chacun à sa dignité et à son autonomie. Cette réponse exige la consécration de droits nouveaux, y compris de « neurodroits ». Il devient essentiel d’établir des cadres juridiques qui non seulement protègent les droits existants, mais en introduisent de nouveaux, permettant ainsi de naviguer dans un monde où la technologie et l’humanité ne cessent de s’interconnecter. La Déclaration européenne sur les droits et principes numériques (2022), qui soutient que la technologie doit servir les citoyens tout en respectant leurs droits fondamentaux, va dans ce sens.
Enjeux des technologies émergentes
La première partie de l’analyse du professeur Poullet porte sur les spécificités des technologies émergentes. Il est crucial d’examiner les différents acteurs entrant en jeu dans la chaîne d’approvisionnement des systèmes d’IA, insiste-t-il, y compris la prépondérance des grandes entreprises technologiques. Sans ambages, la deuxième partie aborde les risques associés à ces technologies, qui vont au-delà des impacts individuels pour inclure des conséquences sociétales à grande échelle. La multiplication des intervenants dans le développement et l’application de ces technologies entraîne des risques nouveaux pour tous.
Nouvelles facettes du droit à la dignité
Face à ces défis, le droit à la dignité doit évoluer pour refléter les réalités contemporaines. Les nouvelles dimensions de ce droit incluent non seulement des obligations pour les États, mais aussi une responsabilité accrue des concepteurs de technologies intelligentes. Les risques posés par l’IA et les neurosciences imposent une évaluation collective et proactive des innovations, semblable à la reconnaissance du devoir de précaution en matière d’environnement. Chaque acteur, que ce soit un créateur technologique ou un utilisateur, doit s’engager à garantir que les technologies ne compromettent ni nos libertés individuelles ni nos valeurs démocratiques.
Cette dynamique impose non seulement une vigilance sur l’utilisation de ces technologies, mais également une éducation permanente des citoyens concernant leurs droits dans un monde de plus en plus numérisé. L’engagement vers un développement technologique éthique est impératif pour s’assurer que les bénéfices de ces avancées profitent à tous, tout en préservant les valeurs fondamentales de notre société. Il s’agit d’une responsabilité collective qui nécessite une collaboration internationale pour mettre en place des réglementations claires et bénéfiques, orientées vers l’avenir et respectueuses de la dignité humaine.
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