Au champ, Élisée

Qui se souvient encore d’Élisée Reclus ?¹ Géographe et anarchiste français né en Gironde en 1830 et mort en Belgique en 1905, il fut pourtant l’un des pionniers de l’éco-anarchisme et de la décroissance. Végétarien bien avant que cela ne devienne une tendance, il développa surtout une idée novatrice : la « solidarité terrestre ». Une vision qui affirme l’interdépendance de tous les êtres vivants et de leur environnement, et qui appelle les humains à reconnaître les limites de leur domination sur la nature.

Ses écrits placent au cœur de la réflexion l’interdépendance universelle, la responsabilité vis-à-vis de la planète, le refus de toute hiérarchie entre humains et non-humains, une solidarité qui transcende les frontières, et une géographie critique attentive aux injustices. Mais ce qui séduit encore aujourd’hui, c’est sa sensibilité poétique à la nature. Pour Reclus, elle n’est pas seulement un espace physique, mais un lieu d’expérience et d’émotion, source d’imagination et de créativité.

Son engagement fut à la hauteur de ses convictions. Militant anarchiste, il participa à la Commune de Paris et prit part aux grands débats scientifiques et politiques du XIXᵉ siècle. Ami de Bakounine et de Louise Michel autant que lecteur attentif de Darwin, il introduisit dans les luttes sociales de son temps une dimension essentielle : l’attention à notre milieu naturel commun.

Le concept de solidarité terrestre qu’il formula résonne aujourd’hui avec une acuité étonnante, à l’heure où se posent les questions de développement durable et de justice climatique. En retraçant l’itinéraire mouvementé de ce géographe poète, Roméo Bondon, doctorant en géographie de l’environnement, nous redonne à voir une pensée clairvoyante, à la fois sensible et écologiste avant l’heure.