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Vous dites?
Un tronc commun renforcé à réformer ?
Roberto Galluccio · Président de la Ligue de l’enseignement et de l’éducation permanente (LEEP)
Mise en ligne le 20 mai 2025
Tout semblait bien parti pour le tronc commun, l’une des mesures phare du Pacte pour un enseignement d’excellence initié en 2017, avec une implémentation prévue à la rentrée 2025 pour la 6e primaire et 2028 pour la 3e secondaire. Et pourtant, la belle mécanique semble se gripper. Il plane comme une remise en question du tronc commun au-delà de la 2e secondaire.
Photo © Gorodenkoff/Shutterstock
Cette réforme poursuit l’objectif de proposer un socle commun d’apprentissage à tous les élèves, indépendamment de leur futur parcours scolaire. Inscrit dans une réforme systémique de l’enseignement obligatoire, elle doit permettre de renforcer la qualité de l’enseignement et de réduire les inégalités entre les élèves. Elle propose également de « modifier en profondeur les contenus des apprentissages afin de coller davantage aux enjeux de notre société du XXIe siècle pour que chaque élève trouve sa place dans la société. »
Les enquêtes PISA successives, vaste évaluation des savoirs et compétences des jeunes de 15 ans en lecture, mathématiques et sciences, organisées par l’Organisation de coopération et de développement économiques, ont révélé la faiblesse majeure de notre système d’enseignement, dual avec des disparités de résultats en fonction de l’établissement scolaire fréquenté. Il fallait donc imposer une réforme radicale pour inverser la tendance.
Les grandes lignes de cette mesure se retrouvent dans l’avis no 3 qui a rencontré à l’époque un très large consensus auprès des différents acteurs de l’enseignement (syndicats, fédérations d’association de parents, fédérations de pouvoirs organisateurs, administration et le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles), confirmé par les différents partis politiques représentés au sein du Parlement de la FWB.
Entré en vigueur à la rentrée scolaire de 2022, le tronc commun est introduit progressivement dans le cursus scolaire et remplacera à terme les socles de compétences. Il prévoit d’englober les années scolaires de la 3e maternelle à la 3e secondaire, et il permet une formation identique pour tous les jeunes – peu importe leur choix d’orientation réalisé après la 3e secondaire – sans qu’ils aient à choisir des options ou activités complémentaires en secondaire. Il s’agit de développer un haut degré de maîtrise des différents domaines du tronc commun pour l’ensemble des élèves et aussi d’adapter l’apprentissage aux besoins actuels, l’introduction plus rapide d’une deuxième langue, la mise en place d’activités de remédiation et la limitation du redoublement en consolidant les acquis.
Ce système existe dans de nombreux pays européens comme le Danemark, la Finlande, la Lettonie ou l’Estonie. Malgré un voyage récent en Estonie, dont l’enseignement allie équité et performance grâce à un tronc commun jusqu’à 16 ans, notre ministre de l’Éducation n’en a retenu que l’organisation de l’alternance et les liens entre enseignement et monde du travail.
Valérie Glatiny souhaite désormais mettre sur pause l’allongement du tronc commun à la 3e secondaire pour approfondir certains points. Cela ressemble furieusement aux habitudes du passé quand les réformes progressistes d’un gouvernement étaient annulées par le suivant. Souvenez-vous de la réussite automatique lors du passage des élèves au sein du 1er degré et de l’effet inversé lors de la législature suivante. Les exemples du genre foisonnent dans l’histoire politique de l’enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles.
La situation catastrophique de notre enseignement interpelle la société dans son ensemble depuis de nombreuses années ; elle réclame stabilité et constance dans ses tentatives d’amélioration. La réforme du tronc commun mérite d’aller à son terme, comme prévu dans le Pacte avec ses différentes caractéristiques. Aux acteurs de l’enseignement de convaincre la ministre. Il en va de la crédibilité des mesures appelées à rendre meilleures les performances de nos élèves.
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