Accueil - Exclus Web - À table - Sans haine et sans mensonge

Sans haine et sans mensonge

Anaïs Pire · Déléguée « Étude & Stratégie » au CAL/COM

Mise en ligne le 12 mai 2025

L’extrême droite a transformé la liberté d’expression en slogan, pour couvrir des propos qui n’ont rien à voir avec elle et délégitimer les règles juridiques qui l’encadrent. Face à ce détournement, il est temps de se réapproprier la liberté d’expression. »

Dans ce court ouvrage qui tient à la fois du manuel juridique et de l’appel à la résistance, le professeur de droit public Thomas Hochmann étudie la manière dont l’extrême droite tend à s’accaparer la liberté d’expression et par-là, à la dénaturer.

En partant de cette lamentation « on ne peut plus rien dire », pourtant répétée ad nauseum par des courants réactionnaires ou des tenants de leurs thèses, il illustre et commente la manière dont ceux-ci ont procédé à un véritable renversement de valeurs. Il démontre que l’extrême droite a déformé la liberté d’expression pour en abuser à son seul profit, prétendant que la haine qu’elle exprime et les entreprises de désinformation auxquelles elle se livre devraient être protégées. Ainsi, les réactions à ses discours ne seraient que d’insupportables formes de censure moderne, « woke » et intolérante. Elle peut de la sorte se placer avantageusement en grande défenseuse de la liberté d’expression, une cause qui ne peut faire que l’unanimité : dans l’esprit collectif, il est bien plus noble de se revendiquer de la liberté plutôt que de l’interdiction.

Pourtant, et d’une manière qui pourrait sembler contradictoire de premier abord, interdire la formulation de certains propos ou la diffusion de certaines idées est la meilleure condition de réalisation de la liberté d’expression. Dans une société démocratique, la liberté d’expression ne peut se réduire à la faculté de pouvoir tout dire, sans aucune considération pour les conséquences de ces déclarations. Elle doit également s’envisager comme le matériau même de la démocratie, de la formation de l’intérêt général et de la recherche de vérité. Les limitations à la liberté d’expression que la loi établit garantissent les conditions du débat démocratique. À ce titre, la haine et le mensonge ne peuvent faire l’objet de protections en ce qu’ils sont incompatibles avec la démocratie et cherchent en réalité à la détruire.

En étudiant les règles interdisant les discours de haine et la propagation délibérée de fausses informations, l’auteur rappelle leur importance fondamentale en usant judicieusement d’exemples médiatiques ou de verdicts de justice, tant français qu’européens ; l’occasion également de rendre leur dignité à ces dispositifs face aux quolibets de l’extrême droite, qui n’y voit que la marque d’une partialité des autorités, qui chercheraient à discriminer leurs idées au profit d’autres.

Accessible mais complet, militant mais critique, le texte mordant de ce spécialiste de la liberté d’expression se dévore d’une traite, dans une construction qui associe l’essai judiciaire et le commentaire d’actualité. Son format réduit a également un autre avantage : il vous permet de le garder sous la main, tout prêt à argumenter la prochaine fois que vous entendre ce fameux : « On ne peut plus rien dire… »

liberté d'expression hochmann

Thomas Hochmann, « On ne peut plus rien dire… ». Liberté d’expression : le grand détournement, Paris, Anamosa, 2025, 72 pages.

Partager cette page sur :