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Recep Tayyip Erdoğan
et la loi
« désinformation »

François Debras · Professeur associé à l’ULiège, maître assistant à l’HELMo et chargé de cours à la Sorbonne Nouvelle

Mise en ligne le 28 juin 2024

Reporters sans frontières (RSF) classe la Turquie 165e sur 180 pays concernant la liberté d’informer. Une situation aggravée par l’adoption, fin 2023, de la « loi sur la presse », ou « loi sur la désinformation », qui vise à renforcer le contrôle du gouvernement sur les différents médias.

Photo © M7Studio/Shutterstock

En novembre, un journaliste de T24 est placé en détention à la suite de la publication d’une affaire de corruption au sein de l’appareil judiciaire turc. Des juges et des procureurs relaxeraient des membres d’associations criminelles ou censureraient des journalistes en échange de sommes d’argent. Le journaliste risque jusqu’à trois ans de prison. Le présentateur de Halk TV et un journaliste de Kisa Dalga sont également arrêtés pour avoir relayé l’information. Selon RSF, l’objectif est « d’intimider les journalistes qui pourraient nuire à la popularité d’Erdoğan »1.

L’article 29 de la loi sur la désinformation prévoit une peine d’un an à trois ans d’emprisonnement pour la diffusion « d’informations fausses ou trompeuses », sans en donner une définition précise, et pour toute personne qui les « partagerait » ou « likerait ». La loi punit également « les troubles à l’ordre public », « les atteintes à la sécurité intérieure et extérieure » et « l’intention de susciter l’inquiétude, la peur ou la panique au sein de la société ».

L’Assemblée du Conseil de l’Europe dénonce déjà en 2022 une « ingérence dans la liberté d’expression qui ne serait ni nécessaire dans une société démocratique ni proportionnée aux objectifs légitimes de prévention des troubles et de protection de la sécurité nationale, de la santé et des droits d’autrui » et ajoute que la loi pourrait causer une « atteinte irréparable à l’exercice de la liberté d’expression »2.

La lutte contre les fake news peut passer par différents niveaux mais gardons à l’esprit que les mesures prises par les autorités doivent toujours respecter les cadres servant la défense des droits fondamentaux, tels que le droit à l’information, afin d’éviter que de nouvelles législations puissent constituer elles-mêmes une atteinte à ces droits.

  1. Cité par Killian Cogan dans « En Turquie, une vague d’arrestations de journalistes au nom de la “désinformation” », mis en ligne sur lesechos.fr, 3 novembre 2023.
  2. Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, « Le respect des obligations et engagements de la Türkiye », résolution 2459, 12 octobre 2022.

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