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Tox en toc
Nos peurs et nous
François Debras · Maître de conférences Université de Liège et maître-assistant à la Haute École libre mosane
Mis en ligne le 28 novembre 2023
Le propagateur de théories du complot n’est pas toujours un « troll », un « bot », un broadcaster cherchant à maximiser ses profits, un politique critiquant les résultats des élections, un pseudo-expert en quête de reconnaissance ; parfois, il peut s’agir de nous !
Photo © Shutterstock
Nous pouvons, nous aussi, créer et propager des théories du complot ou des fake news. Pour faire rire, pour jouir d’une heure de gloire ou par erreur. Nos peurs renforcent notre perméabilité à certaines informations et plus particulièrement aux rumeurs.
En 2022, en Belgique, dans des cafés ou des festivals, de jeunes filles disent avoir été piquées par des seringues. Les autorités réagissent et installent des points de contact pour rassurer et intervenir si nécessaire. Des témoignages similaires sont rapportés en Angleterre, en France, en Allemagne. Des milliers de cas sont recensés, le nombre de consultations augmente et toutes les semaines de nouveaux cas se présentent dans les hôpitaux. Pourtant, aujourd’hui encore, le phénomène reste inexpliqué. Aucune substance n’a été identifiée. Des journalistes, des psychologues et des sociologues avancent l’hypothèse d’une psychose collective1. Les paniques sociales arrivent dans un contexte d’anxiété ; dans ce cas, après la réouverture des lieux publics au lendemain de la crise sanitaire de Covid-19.
La peur d’un virus, des aiguilles et de la contamination est toujours présente au sein de la population. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que des histoires semblables sont propagées. Rappelons-nous la rumeur des seringues infectées au VIH dans les salles de cinéma ou la rumeur d’Orléans – des femmes enlevées dans les cabines d’essayage de plusieurs magasins de vêtements…
La rumeur est un bruit qui court. C’est une information non vérifiée qui se propage rapidement d’une personne à une autre. Les rumeurs font partie des croyances irrationnelles. Elles sont anxiogènes et erronées mais elles nous permettent aussi de justifier nos croyances, de nous rassurer en nous offrant la possibilité d’exercer un contrôle illusoire sur ce qui est inexplicable et donc menaçant. Elles soudent le groupe et créent un sentiment d’unité et de soutien. Les préjugés génèrent également des rumeurs et les rumeurs rationalisent les préjugés2.
- Thomas Dechamps, « Éviter la psychose collective mais ne pas cacher les faits », 11 juin 2022 et Clément Guillet, « Les piqûres sauvages, épidémie ou psychose collective », 31 août 2022.
- Philippe Aldrin, « Penser la rumeur : une question discutée des sciences sociales », dans Genèses, no 50, 2003, pp. 126-141.
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