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Coups de canif
dans la lasagne
Lionel Rubin · Délégué « Étude & Stratégie » au CAL/COM
Mise en ligne le 25 octobre 2024
Si peu parmi les interlocuteurs rencontrés ont contesté l’hypothèse de l’entrisme exponentiel de la Flandre dans ce qui compte en Belgique, à la limite de la correction parfois, et les coups de pouce dont elle a bénéficié pour installer sa suprématie, la plupart d’entre eux ont rapidement embrayé avec un ʺmais il faut aussi que les francophones balaient solidement devant leur porte !ʺ. »
« Voor het nederlands, druk één ! ». C’est cet ordre de priorité dans les appels téléphoniques – qui relègue l’option francophone en deuxième choix – qui enrage notamment l’auteure Nicole Burette. Partant de ce constat, l’ancienne journaliste a décidé de prendre son bâton de pèlerine pour sensibiliser les francophones à cette réalité : la prise de pouvoir de la Flandre sur la Belgique dans tous les domaines : politique, économique, culturel, social, patrimonial…
Au début, les différents exemples étonnent et interpellent. Sont tour à tour convoqués des ténors de la vie politique, académique et économique francophone : Christine Defraigne, François De Smet, Thomas Dermine, Charles Picqué, Isabelle Durant, Céline Romainville… Il faut parfois faire le tri parmi ces témoignages car certains d’entre eux ne semblent pas toujours traduire une volonté propre de la Flandre de dominer ses homologues wallon et bruxellois. Mais force est de constater que la réalité n’est jamais loin et que ce phénomène de domination flamande est non seulement assumé par le Nord du pays, mais aussi négligé par le Sud.
L’auteure, journaliste institutionnelle durant de nombreuses années, nous propose une réflexion sur le fonctionnement du pays. Cela semble compliqué à première vue, mais c’est en réalité abordable, bien développé, et permet de s’opposer à une histoire flamande largement surestimée. Même si le lecteur n’est pas familier de la « lasagne institutionnelle belge », il comprendra et s’y retrouvera. Ni tableaux indigestes, ni condensé de chiffres : c’est autant la force que la faiblesse du livre. On se réjouira en effet de lire des témoignages édifiants, tout en regrettant parfois de ne pouvoir s’appuyer sur des analyses plus objectives et chiffrées.
Mais Nicole Burette ne se contente pas d’acter des constats. Elle tend aux francophones un miroir afin qu’ils balaient devant leur porte et prennent en considération l’ampleur du problème. Et si le travail est un travail de journaliste, on sent que l’engagement et parfois la colère de l’auteure prennent le pas sur l’analyse. Mais dans un propos politique, qui s’en plaindra ? Car si cette prise de pouvoir par la Flandre est avérée, il faudra moins compter sur la Flandre que sur une stratégie francophone pour rééquilibrer les choses. Et la dernière partie du livre propose même des solutions.
En fin de compte, c’est un ton francophone qu’on entend rarement, et qui s’avère nécessaire dans un contexte institutionnel fragile et largement défavorable aux Wallons et Bruxellois. En cela, ce livre devient une nécessité démocratique, d’abord car certaines vérités méritent d’être rétablies, mais aussi car le déséquilibre institutionnel pointé du doigt traduit parfois un déséquilibre de droits.
Nicole Burette, Voor het nederlands, druk één : pour le francais, tapez deux…., Mons, Couleur Livres, 2024, 226 pages.
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