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Big bang
au cours de religion islamique

Par Leni Franken · Assistante d’éducation à l’Université d’Anvers

Mise en ligne le 28 juin 2024

Il était temps de les mettre en phase avec la société actuelle. Depuis le début de cette année scolaire, dans les écoles officielles de la Communauté flamande, le programme d’étude pour l’enseignement islamique s’est offert une cure de modernisation. Très ambitieux, ce programme doit être accepté tant par les professeurs que par les élèves. Et certains sujets éthiques touchent des cordes très sensibles.

Photo © Thoha Firdaus/Shutterstock

Dans les écoles officielles en Belgique, représentant 30 % des écoles de la Communauté flamande, les élèves et parents ont le choix entre un cours religieux correspondant à l’un des cultes reconnus (catholicisme, protestantisme, anglicanisme, christianisme orthodoxe, judaïsme, islam) ou un cours de morale non confessionnelle. Tous ces enseignements, y compris celui de morale, sont organisés et inspectés par les instances officielles des cultes et convictions reconnus. En Flandre, ces cours sont dispensés deux heures par semaine et les élèves sont séparés en fonction de leurs convictions.

Un cours très prisé

Dans ce contexte, le cours de religion islamique a connu une forte augmentation durant les dernières années. Aujourd’hui, 25 % des élèves de l’enseignement officiel flamand suivent ce cours. Dans les grandes villes et leurs agglomérations (comme Anvers, Malines et Gand), ce chiffre est souvent encore plus élevé. Malgré cette croissance importante, l’enseignement islamique n’était pas adapté au contexte actuel : les programmes d’études et les manuels étaient archaïques et ne reflétaient pas la réalité des jeunes musulmans dans la société belge. De plus, les enseignants n’étaient pas suffisamment formés pour accompagner ces jeunes et transmettre une connaissance solide de la religion islamique. Bien que l’éducation islamique soit présente en Belgique depuis longtemps (le culte islamique a été reconnu en 1974 et les premiers cours de religion islamique ont été organisés en 1978), ce cours, contrairement à d’autres, n’avait pas évolué depuis un long moment.

De nouveaux manuels adaptés aux jeunes musulmans scolarisés en Belgique sont désormais proposés en Flandre pour le cours de religion islamique.

© Shutterstock.AI

Une évolution nécessaire

La situation a changé progressivement au cours des dernières décennies. En 2008, le Centrum Islamonderwijs a été créé. Il est notamment responsable de l’organisation et de la qualité de l’éducation islamique en Flandre. De plus, plusieurs hautes écoles ont mis en place des programmes de formation pour les futurs professeurs de religion islamique. Très récemment, de nouveaux manuels1 et programmes ont été lancés pour le secondaire. L’accent y est mis sur la méthode historico-critique, la réflexion critique, ainsi que sur la diversité au sein de la religion islamique. Ils sont adaptés au contexte actuel des élèves.

Cette perspective inédite se reflète par exemple dans la formulation des thèmes centraux du programme. Ainsi, le thème précédent « doctrine religieuse » a été remplacé par « perspectives de la religion », en tenant compte de la diversité interne de l’islam. De plus, « expérience de l’islam » et « éthique » se sont respectivement substitués aux anciens thèmes « dévotion » et « vertu ». Les nouveaux manuels contiennent également deux nouveaux thèmes optionnels : « musulman aujourd’hui », qui met l’accent sur les sujets et les questions typiques du contexte séculier et multiculturel dans lequel les jeunes musulmans grandissent actuellement, et « littérature et sagesse », qui se concentre sur le patrimoine culturel islamique.

Lecture critique du Coran

Dans l’introduction du programme, le changement de perspective est expliqué, notamment par la mise en avant des concepts de tajdîd (innovation), islâh (réforme) et ijtihâd (effort intellectuel, interprétation critique). La « mission centrale » de l’éducation islamique y est décrite comme étant « la préparation des élèves musulmans à la complexité du monde ». Ensuite, les objectifs du programme sont classés en trois grands pôles : « Réfléchir de manière critique sur et traiter des textes religieux », « Adopter un point de vue personnel et nuancé » et « Encourager l’engagement social ».

Pour réaliser ces objectifs dans les cours de religion islamique, les programmes ont choisi une combinaison d’éducation à la religion islamique (apprendre dans la religion) et d’éducation sur la religion islamique et son histoire (apprendre sur la religion). En associant ces perspectives confessionnelles et non confessionnelles, les élèves peuvent également apprendre des traditions islamiques (apprendre de la religion).

Plus d’ouverture et de dialogue

Dans le contexte de l’éducation religieuse en Belgique, où l’idée centrale est que chaque élève est formé dans sa propre religion ou conviction non confessionnelle, il n’est pas surprenant que le nouveau programme de religion islamique se concentre principalement sur les traditions islamiques. Certes, quelques autres religions ou convictions non confessionnelles sont également mentionnées, mais l’attention portée à ces autres convictions est limitée. Par exemple, dans les programmes de la 1re à la 4e secondaire, aucune religion ni conviction non islamiques n’est évoquée. Cependant, les compétences du dialogue interconfessionnel (développées en Communauté flamande par les instances des différents cours de religion et de morale non confessionnelle), qui comprennent entre autres la connaissance des religions ou convictions différentes, sont intégrées dans les programmes. De plus, les nouvelles compétences en dialogue interconfessionnel et en citoyenneté, récemment développées par les instances religieuses et non confessionnelles, en collaboration avec les écoles de la Communauté flamande, sont incluses dans le programme de la 5e et 6e secondaire.

Les questions éthiques, la relation entre la religion et la science, le fanatisme religieux, la sexualité et le genre font partie des nouveaux sujets abordés avec les élèves inscrits en religion islamique.

© Jacob Lund/Shutterstock

Questions d’éthique contemporaine

Dans ce programme, les « religions du monde et convictions » sont explicitement mentionnées. Contrairement aux anciens programmes, il ne s’agit pas seulement des religions théistes, mais aussi de l’humanisme, de l’agnosticisme et de l’athéisme. En outre, les nouveaux programmes contiennent des thèmes (éthiques) sur lesquels il n’y a pas de consensus au sein des communautés musulmanes, tels que la relation entre la religion et la science (théorie du big bang) ; les questions éthiques comme l’avortement, l’euthanasie, la transplantation d’organes et la technologie génétique ; le fanatisme religieux ; ainsi que la sexualité et les rôles de genre. L’idée centrale dans le fait d’aborder ces thèmes est que la connaissance limitée des élèves musulmans est complétée et approfondie qualitativement par une réorientation de leurs perspectives et l’élargissement de leurs points de vue. Dès lors, les jeunes sont préparés de manière cognitive et sociale à vivre ensemble.

Les nouveaux programmes de l’éducation islamique flamande sont très ambitieux. S’ils atteignent leurs objectifs, cela pourrait conduire à une augmentation de la connaissance et de la réflexion critique sur la tradition des élèves musulmans. Cependant, la mise en œuvre pratique du programme n’est pas évidente, et les élèves ainsi que les enseignants sont des facteurs très importants pour son succès. Par exemple, l’analyse critique du Coran et des hadith, ainsi que l’attention portée à des thèmes « controversés », n’est pas facile pour tous les élèves ni pour tous les professeurs. À cet égard, de nouveaux développements sont encore nécessaires.

Inspiration nord-sud

Serait-il également souhaitable d’envisager une telle modification du cours de religion islamique en Fédération Wallonie-Bruxelles, où le référentiel2 est très limité ? Comme en Flandre, le nombre d’élèves suivant le cours de religion islamique dans l’enseignement officiel a augmenté, notamment dans la Région de Bruxelles-Capitale où ils sont plus d’un élève sur deux. Pour rappel, en FWB, depuis 2016-2017, le nombre d’heures de cours de religion et de morale dans les écoles officielles est passé de deux à une période de cours par semaine, et les élèves suivent désormais un cours de philosophie et citoyenneté (CPC) durant l’heure libérée. Sur la base d’une note d’orientation et à la demande du gouvernement francophone, on y étudie actuellement la possibilité (constitutionnellement valide) d’offrir une seconde période de CPC pour tous dans les écoles officielles et d’y rendre les cours de religion et de morale facultatifs – selon la demande des parents ou des élèves.

Face à ces évolutions et propositions, la mise à jour des programmes du cours de religion islamique ne soulève pas un grand enthousiasme. Néanmoins, même si les cours de religion ne devaient plus qu’être optionnels à l’avenir (éventualité que je souligne et au sujet de laquelle la Flandre devrait regarder ce qui se fait au-delà de la frontière linguistique3), il est essentiel qu’ils soient dispensés de la meilleure façon possible. Pour ce faire, une bonne formation des professeurs, des programmes d’enseignement actualisés et du matériel pédagogique approprié sont nécessaires. Dans cette optique, la Belgique francophone pourrait s’inspirer de ce qui se fait au nord du pays.

  1. Leni Franken, « Vers de nouveaux manuels de religion islamique en Flandre », mis en ligne sur o-re-la.ulb.be, 17 février 2023.
  2. Fédération Wallonie-Bruxelles, « Référentiel de compétences du cours de religion islamique », mai 2013.
  3. Leni Franken, « Optionele godsdienstlessen: ook in Vlaanderen? », mis en ligne sur knack.be, 10 février 2023.

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