On a raison de se révolter

Jacques Tardi, créateur des aventures jubilatoires d’Adèle Blanc-Sec, formidable adaptateur du Cri du peuple de Jean Vautrin et peintre engagé de l’horreur guerrière, nous régale une fois encore avec ce roman graphique dans lequel il met en image un scénario de sa compagne Dominique Grange. Témoignage d’un engagement militant à l’extrême gauche dans la France gaulliste, Élise et les nouveaux partisans s’inspire largement du parcours personnel de la scénariste.

C’est par une poignante évocation du lynchage de manifestants algériens par la police française aux ordres d’un Papon de sinistre mémoire le 17 octobre 1961 à Paris que débute le récit. Jeune provinciale rangée, Élise est montée à Paris dans l’espoir de percer dans la chanson. Ses débuts se révèlent plutôt prometteurs. Mais, indignée par les injustices sociales, le racisme ambiant et les violences policières, elle affûte ses convictions.

Dans l’effervescence des événements de Mai 68, elle saute le pas et rejoint avec enthousiasme et détermination, il faut bien l’avouer, le Comité révolutionnaire d’agitation culturelle : concerts de soutien aux ouvriers grévistes, manifestations et occupations d’usines s’enchaînent. Dix millions de travailleurs sont en grève, le pays est à l’arrêt. N’acceptant pas l’idée d’un simple « retour à la normale », elle met fin à sa carrière pour s’engager radicalement au sein du mouvement maoïste de la Gauche prolétarienne (GP) dont sa chanson Les Nouveaux Partisans devient l’hymne et part un temps « s’établir » en usine à Nice. Plus tard, arrêtée pour rébellion au cours d’une manifestation antifasciste, elle fait un séjour en prison. Elle intègre ensuite la Nouvelle Résistance populaire, organisation clandestine de la GP…

Ultradocumentée et magistralement dessinée, cette autofiction qui nous immerge au cœur des « années Mao » faites de ferveur militante, de révoltes et de luttes intestines, ne peut laisser indifférent.