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La revanche
du « bas de gamme »
Alain Villers · Directeur des Ressources humaines du Centre d’Action Laïque
Mise en ligne le 6 mai 2024
Le blues, bien avant le rock, avait la réputation d’être la musique du diable. Cette musique profane qui parle d’autres choses que de la seule religion n’était pas pour plaire à tout le monde. En tant que musique qui donne le blues, les sujets les plus sulfureux y sont abordés : drogues, sexe, adultère, violence, mort… »
En vingt-quatre courtes chroniques à l’iconographie appropriée, les Désaccords d’Éloi Fétus explorent les multiples facettes de la musique populaire au XXe siècle : de la chanson de rue, de folk ou de blues jusqu’au rap, la techno et le funk, en passant par le hip-hop, le rock’n’roll et le jazz.
L’auteur nous y (dé)montre que la musique populaire, encore aujourd’hui trop souvent sous-estimée, est autant forgée par les conditions sociales, économiques et historiques qui l’entourent que la musique dite « cultivée », toute expression artistique étant également un tant soit peu politique. La méthodologie en est simple et consiste à déterminer si telle ou telle musique participe bien d’un style musical vraiment libre, voire libérateur. Voilà qui devrait permette de faire battre en retraite les contempteurs de la musique populaire et reconnaître sans rougir qu’il y a tant de plaisir et d’intérêt à écouter Elvis que Beethoven, le mépris envers la musique populaire étant souvent une forme de mépris de classe.
Car il existe bien une culture de classes populaires où celles-ci expriment leur identité propre et leur vision du monde et qu’il ne faudrait jamais confondre avec la culture de masse. La première, la culture populaire, émerge dans un espace de résistance alors que la dernière, la culture de masse, maintient l’individu en tant que consommateur dans un état de conformisme passif, cette culture de masse étant justement produite par une industrie culturelle propre une société de consommation en accord avec les classes dominantes. Or c’est bien de désaccords dont il est question dans ce livre, de lutte et d’émancipation.
Terminons en saluant l’initiative originale de l’auteur de nous inviter à explorer davantage ce panorama historique en nous orientant, à la fin de chaque chronique, vers d’autres médias qu’il s’agisse de livres, de musiques, de vidéos et même d’une playlist, accessible via un code QR, pour accompagner et enrichir l’expérience de la lecture de son livre qui a le mérite non négligeable de donner leurs lettres de noblesse aux musiques du peuple.
Éloi Fétus (avec des illustrations de Cole Porteur), Désaccords. Quand le peuple réveille la musique, Ivry-sur-Seine, Éditions de l’Atelier, 2024, 192 pages.
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