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La poésie d’un seul mot
Amélie Dogot · Secrétaire de rédaction
Mise en ligne le 10 juin 2024
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Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom »
Les célébrations des 80 ans du Débarquement en grande pompe sur les plages normandes sont à peine derrière nous que déjà la montée de l’extrême droite confirmée par les résultats du scrutin européen nous rappelle que l’Histoire est faite de vagues et de recommencements. Les raisons de s’arrêter sur l’album Liberté tout récemment paru aux éditions Rue du Monde sont nombreuses à nos yeux.
Premièrement parce qu’en plus du magazine Espace de Libertés, le Centre d’Action Laïque publie depuis 2001 une collection de petits essais qui se réclame du poète Paul Eluard, et que revenir aux sources est la première chose à faire pour ne pas oublier le passé. « Liberté j’écris ton nom » se voit enrichie de deux nouveautés par an, et son lien de parenté avec la nouvelle déclinaison du poème qui l’a inspirée a suscité notre intérêt.
Deuxièmement parce que cet album s’adresse aux enfants à partir de 8 ans, et que si les adultes ont bien besoin par moment qu’on leur rafraîchisse la mémoire, celle des enfants est encore vive. Partir de ces pages illustrées pour aborder avec les plus jeunes le contexte qui a précédé le Débarquement et les enjeux de la Libération constitue une entrée pleine d’opportunités pour les instits et les parents.
Troisièmement parce le Liberté imaginé par l’éditeur breton est le fruit d’une collaboration entre quinze illustratrices et illustrateurs de France mais aussi d’Espagne, de Taïwan, d’Allemagne et d’Iran. Chaque strophe a été enluminée séparément, rencontrant l’imaginaire du poète et le confrontant avec celui d’artistes du XXIe siècle. Et de chaque double page, on a l’impression que pourrait naître une nouvelle histoire, encore à écrire.
Quatrièmement parce cet album démontre à merveille l’intemporalité du combat pour la liberté et tout à la fois celle du genre poétique : « La force du poème, c’est sûrement qu’il semble être écrit aujourd’hui. Le texte de Paul Eluard n’est pas porteur d’un discours de circonstance ou d’un message lié à un moment historique », explique Rue du Monde dans la FAQ qui le suit le fameux mot illustré en point d’orgue. De ce fait, il n’a pas pris une ride.
Cinquièmement par ce que le livre est enrichi de documents d’archives issus de la Succession Paul Eluard et d’une remise en perspective pleine d’anecdotes qui permet notamment d’apprendre que le plus célèbre poème sur la liberté a été publié dans la clandestinité en 1942 sous le nom d’Une seule pensée. Rebaptisé lors d’une deuxième publication, toujours en 1942, imprimé sur feuillet, il a été largué l’année suivante sur plusieurs villes de France et sur des zones de résistance par des avions britanniques de la Royal Air Force.
Et pour terminer, parce que c’est beau, tout simplement. Pour les yeux, pour les oreilles, pour le cœur des indécrottables rêveurs et rêveuses. Et peut-être aussi parce qu’un « bombardement de poésie » ferait du bien encore aujourd’hui.
Paul Éluard, Liberté, Voisins-Le-Bretonneux, Rue du Monde, 2024, 56 pages.
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