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Dans la peau
d'une primo-arrivante

Cinq questions à Damien Delanoë

Propos recueillis par Amélie Dogot · Secrétaire de rédaction

Mise en ligne le 7 juin 2023

Vous avez dû fuir la Belgique et vous débarquez en Beldavie, sans rien connaître de sa langue mystérieuse ni de ses us et coutumes. Après une fouille sommaire et le passage aux détecteurs de métaux, l’agent de l’immigration vous donne une access card et un plan. On vous montre une petite vidéo de présentation du pays. À vous à maintenant de vous débrouiller pour commencer une nouvelle vie. Sans tarder, il vous faut des papiers en règle, un logement digne de ce nom et un emploi. « Benconen » dans les méandres de l’administration !

Fruit de deux années de réflexion et de construction, au départ de constats posés lors d’ateliers d’alphabétisation, l’exposition immersive « Benconen on Beldavia » se déploie sur 300 m² et joue la carte de l’expérience ludique et didactique. Ce qui est sûr, c’est qu’en Beldavie, l’expression « se faire balader » prend tout son sens ! En tant que visiteuse, il est facile de prendre ça avec le sourire et la distance du jeu de rôle dans des décors grandioses et plus vrais que nature, mais combien de personnes à travers le monde vivent cela – l’incompréhension, la longueur et la lourdeur des procédures – pour de vrai ?

Le scénariste Damien Delanoë – loin d’être seul sur le bateau puisque la création de la Beldavie est le fruit d’un important travail d’équipe – a contribué à l’écriture de l’épopée beldavienne en sortant de son imagination un pays un brin déjanté et des situations kafkaïennes. Toute ressemblance avec un royaume existant est ici bien volontaire.

Comment et sur quels constats est né le royaume de Beldavie ?

Les constats ont été posés lors d’ateliers d’alphabétisation à l’ASBL La Rue : quand on vient d’arriver dans un pays, trouver un logement décent et abordable, en découdre avec la langue et le numérique est vraiment compliqué. Pour pouvoir s’en rendre compte, quoi de mieux que se mettre dans la peau des migrants ? Pour que l’expérience soit la plus authentique possible, il nous fallait le témoignage de personnes qui ont vraiment vécu ces situations. L’ASBL Quizas et l’ASBL La Rue ont décidé de travailler ensemble afin de collecter les récits de vie des apprenants. L’expérience immersive démarre en 2029 : la Belgique travers une crise majeure, plus rien ne va du point de vue économique, social et politique, et les ressortissants doivent s’enfuir vers un pays d’accueil. La Beldavie est le fruit d’une création collective avec les personnes participant aux ateliers. Il s’agit d’une royauté, mais surtout d’une société matriarcale dans laquelle seules les femmes peuvent édicter des lois qui doivent toutes être signées par la reine Polluck. La contraception est à la charge des hommes et les femmes gagnent beaucoup mieux leur vie que ces derniers. La Beldavie tire ses revenus principalement de la pêche – puisque c’est une île – et de la production textile issue d’une fibre produite par une mouche indigène. La langue beldavienne a également été inventée avec les apprenants de La Rue.

Benconen on Beldavia

Expérience immersive itinérante

09 > 23 octobre 2024 au Cinex à Namur
Réservation en ligne

 

06 > 11 juin 2023 à la Maison des cultures et de la cohésion sociale de Molenbeek
Dossier de présentation

© Valérie Drumart

Damien Delanoë en touriste belge visitant la Beldavie.

© Amélie Dogot

Quelle est la plus-value de l’expérience immersive ?

En assignant à quelqu’un le rôle d’une femme belge qui arrive pour rejoindre son mari beldavien, par exemple, on touche directement la personne car elle est immergée, elle voit comment ça se passe de son point de vue, sans le filtre de l’expérience rapportée. Avec toute l’équipe, nous sommes convaincus que cela permet de mieux ressentir ce qui se passe, et d’être plus ouverts à la réalité des personnes qui migrent pour cause de regroupement familial, pour motif économique ou pour demander l’asile.

Les parcours d’intégration que les primo-arrivants sont tenus de suivre dans les trois régions de Belgique sont présentés comme une aide positive. Vous souhaitez montrer que tout n’est pas rose, loin de là ?

Tout est extrêmement compliqué : il y a le choc culturel, la barrière de la langue, la facture numérique qui ne facilite pas les rapports avec l’administration et l’isolement, aussi. Accomplir des tâches simples, comme faire des courses, se mue en grosse difficulté quand on ne sait pas lire et qu’on ne comprend pas ce que les gens disent.

L’opinion publique et le monde politique doivent-ils être interpellés de la même manière, selon vous ?

De façon générale, l’exposition permet à tout le monde de voir les personnes migrantes d’un angle différent. Chacun a son propre point de vue et les idées reçues du genre « ils ne font quand même pas beaucoup d’efforts » sont monnaie courante. En permettant aux visiteurs de vivre les choses, on espère développer leur empathie.

Cette exposition est le fruit de deux années de travail par l’équipe beldavienne composée d’artistes pluridisciplinaires. Quels sont leurs profils et contributions respectives ?

Nous étions cinq au départ : à la vidéo et à la production, il y a tout d’abord Hubert Fiasse dont l’ASBL Quizas Production porte le projet. Vient ensuite Vincent Vanderbeeken qui est le metteur en scène général de l’expérience immersive et qui est aussi comédien. Il y a aussi Valérie Druart, illustratrice et productrice, Michel Bystranowski, ingénieur du son et programmeur, et moi-même. Le projet a rapidement grandi, il nous fallait de vrais décors, et c’est là que Pit Cap est arrivé afin de s’occuper de la scénographie. Après la collecte des témoignages, nous avons organisé une deuxième session d’ateliers avec les apprenants pour la création des costumes, les masques, les colliers et les chapeaux beldaviens. Et c’est Florinne Brennet, costumière et professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Dinant qui a animé ces ateliers. Après des mois de travail, la Belvadie a pris corps et vie.

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