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Brèches de vie en couleurs
Amélie Dogot · Secrétaire de rédaction
Mise en ligne le 2 juin 2025
Tonton Jorge a accroché au-dessus de son lit des photographies. Au dos de chacune d’elles, des mots sont écrits à l’encre bleue et il y a toujours la même signature : Elly. »
« Je veux qu’il sache que je pense à lui », dit Elly. Dans cet album délicat, Lucie Braud raconte l’histoire d’une petite fille qui écrit des cartes postales à son tonton Jorge, enfermé derrière un grand mur — celui d’une prison. En retour, Jorge lui envoie des oiseaux en papier qu’il fabrique. Un échange simple et touchant, qui tisse un lien au-delà des distances et des murs.
Les petites fenêtres ne sont pas nées d’un simple coup de plume. Lucie Braud, alias Catmalou dans le monde de la bande dessinée, et Lauranne Quentric, illustratrice installée en Bretagne, collaborent depuis 2016. Leur premier projet commun portait sur des portraits d’adolescents et d’adultes rencontrés en Aquitaine. C’est à cette occasion que Lucie a croisé la route d’une fillette de cinq ans qui correspondait avec son grand-père incarcéré à la prison de Lannemezan. Cette image forte est restée en mémoire. Plus tard, lors d’ateliers d’écriture en maison d’arrêt, un fil narratif s’est tissé. L’envie est née de parler d’enfermement, mais surtout de l’humanité qui continue de circuler entre l’intérieur et l’extérieur.
La lecture partagée avec Mattia, 8 ans, révèle un coup de cœur pour les illustrations lumineuses de Lauranne Quentric. Les cartes postales qui égaient le gris de la prison semblent presque en relief, prêtes à sortir du livre, donnant vie au lien entre Elly et son tonton Jorge. Cette dimension tactile stimule l’imaginaire et rend l’histoire encore plus vivante.
Au fil des pages, une question surgit : « C’est quoi être emprisonné pour ses idées ? » La discussion glisse alors vers la prison, les punitions, mais aussi l’injustice. Elle aborde les dictatures, où l’on enferme celles et ceux qui pensent autrement, et souligne la chance de vivre dans un pays où l’expression du désaccord est un droit.
Mattia se projette dans le récit : « Si j’avais un tonton (Torgnole) en prison, je lui enverrais des cartes postales des endroits que je visite pour qu’il ait l’impression de voyager aussi. » Une réflexion simple, presque évidente, qui incarne la force de cet album : inviter à garder un lien vivant avec celles et ceux que l’on prive de liberté, un lien nourri d’imagination et d’affection.
Les petites fenêtres déploie un texte épuré, porteur d’émotion et d’espoir, soutenu par des images aux couleurs douces, aux traits enfantins et aux formes délicates. Un album qui devient un véritable espace de dialogue à hauteur d’enfant, où la littérature jeunesse ouvre une fenêtre sur les grandes questions existentielles qui tournent – tels des oiseaux – autour de la liberté et de la résistance.
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