À la mémoire des vaincus

Il y a tout juste cinquante ans, le 11 septembre 1973 au Chili, le président socialiste Salvador Allende est renversé par un coup d’État militaire emmené par le général Augusto Pinochet avec le soutien des États-Unis. À l’expérience démocratique et sociale se substitue alors un régime dictatorial implacable. La junte militaire bride les libertés, multiplie les interdits et instaure un système répressif d’une violence inouïe à l’encontre des « rouges ». Une véritable opération de nettoyage dont militants ou simples sympathisants sont également victimes, doublée d’une politique d’éradication de toute pensée dite subversive ou de gauche, est mise en œuvre dans un déferlement de haine. Disparitions, assassinats et tortures d’opposants se poursuivront pendant plus de quinze ans de dictature.

Avec ce livre, un récit politique romancé ainsi qu’ils le précisent, Olivier Besancenot et Michael Löwy entendent rendre hommage aux militants qui ont vaillamment tenté de résister à l’assaut des putschistes et à l’instauration de la dictature. Dans une succession chronologique de courtes scènes, ils retracent les évènements « en épousant les points de vue d’un certain nombre des acteurs et actrices de la gauche chilienne de l’époque. » Tout en se basant de manière rigoureuse sur des faits documentés, les auteurs s’autorisent une certaine licence artistique, laissant libre cours par endroit à leur imagination.

Une première partie intitulée « La conspiration contre l’Unité populaire » décrit les agissements des adversaires économiques, politiques et médiatiques chiliens, des multinationales et des États-Unis pour en finir avec le gouvernement présidé par Salvador Allende dès son élection le 4 septembre 1970. Dans les chapitres suivants sont détaillés heure par heure les évènements du 11 septembre 1973 : les combats au Palais de la Moneda, les dernières heures du président Allende, son ultime discours, sa mort, les actes de résistance menés dans les cordons industriels. Cette évocation se termine sur une scène glaçante de célébration de la victoire par les généraux de la junte.

À l’heure où l’extrême droite revient sur le devant de la scène au Chili et ailleurs, ce docu-fiction fort et prenant constitue un judicieux rappel ainsi qu’une solide mise en garde.